C’est la première mission scientifique sur les flancs d’une vaste montagne mais… à une altitude négative, dans les profondeurs de l’océan Indien. A cet endroit, au large de Madagascar et à 90 milles nautiques au nord-ouest de La Réunion, les sonars des bateaux s’affolent. Brutalement, les fonds marins passent de plus de 5.000 mètres, à quelques dizaines de mètres. Placée de longue date sur les cartes par les navigateurs, cette montagne sous-marine a été baptisée le Mont La Pérouse, du nom de l’explorateur français du XVIIIe siècle.
Ce Mont La Pérouse est particulièrement imposant, s’il était situé sur la terre ferme, il serait plus haut que le Mont Blanc et plus vertical aussi, avec certaines pentes supposées à plus de 2.000% ! Une véritable aiguille dont le sommet se situe à seulement 55 mètres sous la surface de l’océan. Voilà pour la carte d’identité des lieux. Elle est relativement succincte car on n’en sait pas beaucoup plus.
Mystères et aléas de la recherche scientifique, cette montagne sous-marine n’a jamais été étudiée. Seuls les pêcheurs en connaissent parfaitement la localisation. Près de ce «banc des 90 milles», son autre nom, les palangriers réunionnais capturent en effet 10 % de leurs prises totales. Le chiffre donne un indice sérieux sur la vie foisonnante qui doit probablement régner dans le secteur.
Quelle vie sous-marine ?
«C’est l’une des zones les plus productives de la région», estime même Francis Marsac, chercheur à l’IRD et spécialiste mondialement reconnu de la pêche thonière. «On va justement essayer de comprendre pourquoi». Le scientifique mène en effet depuis le milei du mois de septembre une vaste mission scientifique au-dessus du mont. À bord du navire scientifique Antéa, il dirige une équipe pluridisciplinaire de 10 chercheurs, tous focalisés sur cette «anomalie» géologique.
Leur hypothèse de départ est la suivante: situé au beau milieu du courant sud équatorial, le mont sous-marin génère des tourbillons et des remontées d’eau profonde. «Lorsque les sels nutritifs profonds remontent vers la surface et parviennent dans la lumière, ils déclenchent une prolifération de phytoplancton et donc alimentent toute une chaîne alimentaire», détaille le biologiste.
Pour vérifier cette idée, l’équipe a multiplié les expériences jour et nuit pendant deux semaines. Elle devait d’abord constituer la première carte bathymétrique précise du mont sous-marin, c’est-à-dire une mesure scientifique des reliefs. Puis elle tentait d’évaluer la biodiversité sur ses pentes abruptes. Quel plancton vit ici et à quelle profondeur? Quels prédateurs s’en nourrissent? Trouve-t-on sur site des poissons rares? Sont-ils liés génétiquement aux stocks de poissons réunionnais, mauriciens ou malgaches? Quels oiseaux marins s’y nourrissent? Quels mammifères marins? Autant de questions qui pourraient trouver des débuts de réponses.
Dans la région, d’autres Monts
Plus connus que le Mont La Pérouse, d’autres monts océaniques parsèment notre région. Ainsi, le Mont Coco de mer, au nord des Seychelles, est planté dans l’océan à 450 kilomètres de Mahé et culmine 191 mètres de la surface. Il est considéré comme le mont sous-marin le plus productif du monde. Les bateaux de pêche industriels y prélèvent chaque année jusqu’à 7.000 tonnes de thons… Il est souvent comparé à un DCP géant (dispositif de concentration de poissons) dont se délecte la flotte de pêche mondiale.
Moins célèbre en revanche, le Walters Shoal se situe loin au sud du Canal du Mozambique, presque à égale distance de Madagascar et de la pointe australe de l’Afrique. Cette série de montagnes découverte dans les années 1960 va faire l’objet d’une étude similaire à celle du mont La Pérouse.
Des scientifiques réunionnais, métropolitains mais aussi malgaches et sud-africains l’exploreront toujours à bord de l’Antéa en novembre et décembre prochains.
RR, le JDM
Avec le JIR.
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