« Je m’appelle Mahamoud. Je suis un Mahorais indigène, je suis musulman ». D’entrée de courrier, le ton est donné, fidèle à ce qu’il est, un homme en souffrance sur un territoire en Sous-France, qu’il aime. On le prendrait presque dans les bras immédiatement le petit Mahamoud, s’il ne fallait se concentrer sur les 8 pages d’un dense communique-sim-vs-ma dans lequel il contre la décision de justice dont il est le perdant.
Victime d’injustices d’une Justice qui se veut impartiale, on l’a (presque) tous été. Tel ce lecteur qui nous interpellait devant le tribunal mercredi dernier : trois chèques versés, et débités, à une auto-école sans avoir pu suivre de cours avant son dépôt de bilan. Procès perdu. Au fait, le justiciable en question s’appelle Pierre. La preuve que la couleur de peau ou la religion peut laisser la Justice indifférente.
Dans son communiqué, Mahamoud Azihary revient sur les trois affaires médiatisées dont il fut protagoniste, Liétard au sein de la SIM-Rue Sarahangué et ses pelleteuses-Makala et la dégradation du contexte social, qu’il détaille et qui lui ont causé des déboires. Nous ne étendrons pas, il suffit de les lire dans le communiqué.
De bonne foi ou la bonne foi
Ses arguments pour contester le jugement ne manquent pas d’intérêt. Le tribunal (lire sim-vs-ma-jugement-commercial-13-septembre-1016) évoque « une clause ambiguë » pour caractériser le mode de calcul de l’indemnité de départ de l’ancien directeur. L’expression retenue sur la délibération de la SIM est celle de 24 mois d’une « rémunération brute », qui « renvoie uniquement à ‘la rémunération brute de base’ », interprète le tribunal. Il estime que « Monsieur Azihary a tenté de gonfler artificiellement le champ de sa rémunération brute afin d’accroitre de manière non négligeable son indemnité de départ. » Car pour Mahamoud, la rémunération brute, c’est bien celle qu’il perçoit à la fin de chaque mois, tout avantage compris.
Le tribunal soutient que cela laisse planer « un doute certain quant à la bonne foi avec laquelle Monsieur Azihary a interprété une convention lui étant pourtant déjà très favorable. » Un doute sur sa bonne foi qui lui vaudra d’écrire d’un trait les 8 pages contre l’instrumentalisation de la Justice, (Un thème qui mériterait un débat) et le fait qu’il ne serait pas de « la bonne foi ».
Flou autour du mot « rémunération »
On lui préfèrera pour l’instant le courrier qu’il a adressé ce 23 septembre au directeur régional des Finances publiques (Lire le courrier-drfip-2016-09-22), également membre du conseil d’administration de la SIM, et dans lequel il l’interroge sur « la définition exacte du terme ‘rémunération’ », car comme il l’expliquera « jusqu’ici, quand il s’est agi de déclarer ma rémunération à l’administration fiscale, j’ai toujours déclaré la totalité de ma rémunération imposable, mais pas uniquement la rémunération de base. »
Mahamoud Azihary va donc au plus court : si « rémunération » vaut pour la seule rémunération de base, « alors je recalculerai les impôts payés depuis au moins 10 ans et demanderai le remboursement du trop payé, ce qui probablement compensera largement ce que le juge me demande de rembourser à la SIM. Dans le même temps, je demanderai à toute la population de Mayotte et au-delà, de faire la même chose que moi. »
Une jurisprudence à double lecture
Dans tous les cas de figure, il insistera pour avoir une réponse écrite, « Si je ne la reçois pas du directeur régional des finances publiques dans un délai de 8 jours, je la demanderai au ministre de l’économie et des finances lui-même, Monsieur Michel Sapin ».
Il citera enfin une jurisprudence de la Cour de Cassation qui précise que la rémunération du directeur général d’une société anonyme intègre le salaire brut, (donc sans les suppléments…) « ainsi que tous les compléments de salaires, primes, avantages en nature. »
Il terminera son courrier par les mêmes mots qu’en introduction, en concluant : « Je ne suis pas soumis au cercle des puissants. Cela fait-il de moi une personne de mauvaise foi, condamnée encore et encore ‘Au nom du peuple français’ ? En tout cas ‘Pas en mon nom’ ». Son avocat va avoir du pain sur la planche…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
Comments are closed.