Ce quartier de la commune de Koungou ne va pas se transformer dès minuit sonné en Antigone montpelliérain, mais va peu à peu éliminer l’habitat insalubre pour créer des zones de vie où il fera bon vivre. C’est en tout cas ce projet que le maire Assani Saindou Bamcolo est allé défendre à Paris la semaine dernière : ce quartier est l’un des 200 sélectionnés en France par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU).
Il y a 2 ans, les services de l’Etat, le préfet Morsy en tête, avaient arpenté les ruelles boueuses d’évacuation des eaux sales, s’étaient frayés un chemin entre les tôles rapprochées des cases, interpellés par le maire sur l’urgence de la situation, et avaient donné pour finir leur accord à la constitution d’un dossier de rénovation.
Jean-Louis Borloo avait mis sur pied l’ANRU en 2003, pour mettre en place le programme de rénovation urbaine, qui doit créer de la mixité sociale dans les quartiers.
18 mois de préfiguration
Pour aboutir, la mairie de Koungou a recruté en décembre 2015, Stéphanie Simonet, Directrice de projet : « Nous avons fait un gros travail de diagnostic en collaboration avec les habitants. La réussite est liée au binôme fort que doit former le directeur de projet et le maire, et, à Koungou, il s’y ajoute une plus-value en la personne du président du Conseil citoyen du quartier, qui a suivi l’Ecole de la rénovation urbaine de Paris. »
Les compétences sont donc réunies, et sont allées de concert à la capitale la semaine dernière, pour défendre le dossier en Comité d’engagement de l’ANRU. Que le maire a défendu bec et ongle, s’il on en croit Stéphanie Simonet, « il a évoqué l’urgence de la situation. Nous avons donc pu valider un protocole de préfiguration du projet qui court de 6 mois à 2 ans, et va nous permettre d’avoir le temps de prendre en compte tous les paramètres. »
Seront donc lancées des études géotechniques, sociales, urbaines et de disponibilité du foncier, « là, nous aurons des problèmes », on s’en doute. Sur le périmètre retenu qui englobe Majicavo Doubaï, Bandrajou et le village originel de Dagoni, il va falloir trouver des réponses calibrées aux contraintes de l’île : « Habitat social, collectif ou non… toutes les possibilités seront explorées », et en coordination avec deux autres quartiers de Mayotte également sélectionnés par l’ANRU, que sont La Vigie en Petite Terre et Kawéni porté par Mamoudzou.
De nouveaux quartiers sont apparus en 3 mois
Ces spécificités, les représentants de l’ANRU les ont vite notées, « entre leur deux visites en mars et juin, de nouvelles cases et de nouveaux quartiers étaient nés. »
Passé cette phase d’études de 18 mois environ, ce sera le temps de l’intervention, « les efforts seront concentrés les 5 premières années sur les constructions en dur qui sont le cœur du village. On ne pourra pas résorber tous les bidonvilles en même temps. Et l’obtention d’un logement n’est pas la garantie d’une intégration réussie pour eux. L’Etat doit se positionner. » C’est à dire régulariser la situation, avec ou sans obtention de titres.
Ce projet est conçu pour lutter contre l’insalubrité du village, notamment en proposant l’accès aux réseaux d’eau, d’électricité, d’assainissement, mais aussi pour acquérir la maîtrise du sol, proposer un relogement et prendre en compte les aléas naturels, « à Dagoni, les maisons sont en zone de risque »… Un travail conséquent.
Le coût du projet sera connu à l’issue de la phase d’étude, « mais on sait que l’ANRU dispose de 5 milliards d’euros pour ses 200 quartiers nationaux », c’est peu selon la spécialiste en rénovation urbaine, « mais ici, un réel effort est fait puisque sur certaines lignes, son financement monte jusqu’à 70%, ce qui ne se fait pas ailleurs. »
Une Maison du projet
La commune participe, l’Etat aussi à travers le volet Urbanisme de sa politique de la ville, ainsi que le conseil départemental, pour un montant qui n’est pas encore passé en commission, « ils assistent à tous les déplacements sur le terrain ». Autre partenaire, le complexe Koropa piscine « qui est partie prenante dans ce dossier. »
Elle devrait être une des premières infrastructures à voir le jour : une Maison du projet à Dubaï, prés du plateau sportif, sera dédiée au dossier, « mais pourra aussi accueillir des permanences d’opérateurs comme la Croix rouge, le Conseil citoyens, etc. »
Ensuite, place aux espaces publics : « il faut les assainir, les réhabiliter, les embellir pour en faire des espaces sympas et accueillants. Créer des commerces, notamment sur un littoral qu’il va falloir reconquérir.» Ou conquérir, plus simplement. Les zones agricoles qui sont en permanence attaqué par de l’habitat sauvage pourraient être préservées au sein d’un Parc naturel délimité.
En se projetant quinze ans plus loin, une question se pose, celle de l’entretien du village rénové ? « C’est déjà inscrit dans le cahier des charges de la commune, quel qu’en soit le maire. »
Le 24 novembre sera donc signé à la mairie le protocole de Préfiguration, qui permettra de dessiner les détails du projet.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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