Le projet de loi « Egalité réelle Outre-mer », devient un véritable enjeu politique. Le texte qui est débattu jusqu’à jeudi soir à l’Assemblée nationale, ne comportait que 15 articles… il en rassemble 91 depuis ce début de séance mardi. Chaque territoire ultramarin a voulu l’enrichir de ses demandes, et la proximité des élections présidentielles va inciter les parlementaires de gauche à les satisfaire, pour ne pas se fermer ce capital de voix.
Avant le début des discussions, Ericka Bareigts, ministre des Outre-mer qui proposa ce projet de loi lorsqu’elle était secrétaire d’Etat à l’Egalité réelle, a prononcé un discours fort (Lire discours-dericka-bareigts-a-lassemblee-nationale). On ne sait pas ce que deviendront dans la réalité les propositions pour l’ensemble des Outre-mer, et celles que nous avions dévoilées pour Mayotte, mais on peut déjà retenir son engagement à les faire aboutir.
Elle évoquait en préambule le premier écueil qui se dresse entre les territoires ultramarins et la métropole, « plus insidieux que celui des partisans de l’esclavage » : « La lâcheté collective. On trouve toujours des raisons pour s’accommoder de l’insupportable. Et quand l’injustice est à ce point enracinée dans la nature des choses, on passe alors pour un fauteur de désordre à vouloir la dénoncer. »
« Taux de pauvreté six fois supérieur à Mayotte »
Le constat, ce sont « 2.750.000 compatriotes résidant Outre-mer (qui) vivent, au quotidien, les différences de niveau de vie entre leur territoire et l’hexagone », avec des écarts et des retards importants, « le taux de pauvreté y est encore deux fois plus important, six fois supérieur à Mayotte, où je viens de me rendre en déplacement officiel, (…) quant au taux de mortalité infantile, les taux constatés dans les DOM sont ceux observés dans l’hexagone il y a 23 ans, et entre trois et sept fois plus de jeunes en situation d’illettrisme. »
Elle rajoute que « le gouvernement souhaite récuser l’hypocrisie et faire taire une petite musique lancinante, trop souvent entendue : ‘les Outre-mer coûtent mais ne comptent pas’. » Dans le même esprit que « l’engagisme en Inde », ou « l’Apartheid sud-Africain », « ce sont les arguments attentistes et les attitudes condescendantes qui ont été opposés aux tenants du progrès. Refusons ensemble cette petite musique, les appels timorés, qui enferment les Outre-mer en périphérie de la République (…) Sans la liberté, l’égalité est hors de portée des citoyens.»
Plan de convergence
Pour la ministre, chaque Français doit se sentir concerné : « Ce texte n’est pas un texte des Outre-mer pour les Outre mer. Il s’agit d’un texte de la République, une République qui ne s’arrête pas aux rivages hexagonaux, mais qui affirme ses principes dans tous les océans. » En tête des multiples remerciements de ceux qui ont versé de l’énergie à la rédaction de ce projet de loi, Victorin Lurel, « rapporteur général pour sa pugnacité et ses propositions », puis Ibrahim Aboubacar, pour son implication de grande qualité en tant que responsable du groupe.
En rappelant les quatre axes du textes, la définition d’un horizon commun pour les Outre-mer, la poursuite de la marche vers l’égalité sociale, la promotion et la consolidation du développement économique des Outre-mer, et la connectivité territoriale et numérique au service des territoires et de leurs habitants, elle soulignait la méthode innovante : le plan de convergence, qui « permet de définir une méthode commune entre tous les acteurs. »
« Casser les logiques d’exclusion »
On sait qu’un chapitre est réservé à Mayotte : « Deux articles y améliorent la politique familiale et consolident la mise en place d’un système complet d’assurance vieillesse. »
D’autres avancées communes à l’ensemble des territoires ont été obtenues, annonce la ministre, « sur le complément familial, sur l’Assurance Vieillesse du Parent au Foyer, sur l’égal accès des travailleurs indépendants aux prestations familiales », qui les détaillera au fil du débat parlementaire.
« Chaque jour, je trouve dans mes racines, dans ma chair, la force de casser les logiques d’exclusion », conclut la ministre originaire de La Réunion.
Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi le 3 août 2016.
Ibrahim Aboubacar a déposé un amendement sur l’aménagement du droit du sol à Mayotte, et il n’est pas le seul, puisqu’on y trouve aussi la lutte contre l’illettrisme et le décrochage scolaire, le rapatriement des corps pour les originaires d’Outre-mer dans l’hexagone ou encore des mesures supplémentaires de lutte contre la vie chère. Sont également en jeu les frais bancaires, ou les prix à la consommation.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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