Sept questions et des réponses qui posent le cadre des relations franco-comoriennes pour les années à venir. Le président comorien Azali Assoumani a accordé un entretien à la radio internationale RFI après sa visite officielle en France la semaine dernière, au cours de laquelle il a rencontré le président Hollande.
Le moins que l’on puisse dire est que l’état d’esprit a changé. Le président comorien ne se place pas dans la traditionnelle opposition frontale qui consiste à réaffirmer que «Mayotte est Comorienne et le restera à jamais» sans autre forme de discours. Bien entendu, pour Azali Assoumani, Mayotte est comorienne et fait l’objet d’un «contentieux» avec la France depuis 41 ans. Mais il se montre pragmatique, à la recherche de solutions. «Cette fois-ci, je dis à la France que le moment est venu», affirme le Comorien, dans «l’intérêt des deux pays».
Et il ne faut plus reculer parce que, pour lui, le temps qui passe joue contre une résolution de ce «contentieux». «La solution en 1975 aurait été moins difficile qu’en 1985 et ainsi de suite. Donc ça veut dire qu’il vaut mieux s’atteler maintenant (à cette question) pour empêcher que ça devienne un pas très, très difficile», affirme-t-il.
«Pas de questions taboues»
Le président comorien constate que «se plaindre» à l’ONU «n’apporte pas de solution», malgré «un écho favorable» reçu dans l’organisation internationale. A présent, le temps est donc à la discussion. «Il va falloir un dialogue pour qu’on s’entende sur une solution. Nous, aux Comores, on est prêts à toutes les propositions», affirme-t-il.
Avec la France, il rappelle que les Comores ont «mis en place un haut comité paritaire pour ce problème-là», une structure composée de Comoriens et de Français qui, «ensemble, vont discuter». «On leur a dit qu’il n’y a pas de questions taboues». Le président comorien attend des «réflexions» pour ensuite «voir comment on va les mettre en application».
Certes, Azali Assoumani reconnaît qu’il «y a du pain sur la planche» et que le sujet ne se règlera pas «d’un claquement de doigt» mais la période semble propice à des échanges plus apaisés.
«On peut vivre ensemble»
Pour la première fois aussi, un responsable comorien approche ce sujet éminemment politique sous l’angle des peuples. Car si Mayotte est française par un héritage d’une histoire vieille de plus de 40 ans, elle l’est aussi par la volonté des Mahorais. Mayotte française n’est pas seulement le résultat de l’affrontement de deux nations.
«Je ne peux pas oublier mes frères mahorais. Je les respecte, je les aime beaucoup, ils le savent», affirme Azali Assoumani. «Les Mahorais, ça fait 41 ans qu’ils vivent sous une autre nation politique. Nous, on veut les rassurer (sur le fait) qu’on peut vivre ensemble».
Ces mots nouveaux marquent incontestablement la prise de conscience que si les 4 îles de l’archipel doivent un jour se retrouver dans un même ensemble politique, cela ne pourra pas se faire sans la volonté des Mahorais… On en est loin.
«L’inacceptable» visa
Autre sujet majeur, «la lutte contre l’immigration illégale vers Mayotte» que François Hollande souhaite renforcer. Pour Azali Assoumani, qui refuse le terme «immigration», il faut distinguer «l’être» et «l’esprit», autrement dit les faits et les causes.
«On ne peut pas être insensible à des gens qui prennent des risques (pour) leur vie. Donc là, on a le droit, même le devoir, d’empêcher ça.» Cette affirmation étant posée, Azali Assoumani ne propose pas d’actions concrètes pour démanteler les réseaux qui organisent concrètement les mouvements de kwassas entre Anjouan et Mayotte. Il se contente de dénoncer le visa «qui empêche d’aller… Ça, c’est inacceptable, c’est incompréhensible.»
Le développement pour empêcher l’émigration
Pour changer les choses, il préfère évoquer une politique qui feraient disparaître les causes profondes qui poussent des Comoriens à prendre le risque d’une telle traversée.
«Les Comoriens sont nombreux à partir vers Mayotte, parfois pour y faire naître un enfant et s’assurer qu’il ait la nationalité française. Mais souvent simplement pour s’y faire soigner.» La santé est donc pour lui, le sujet numéro 1. Il est aussi question d’éducation et d’emploi. «On a à faire des efforts», reconnaît-t-il, aussi bien sur l’énergie, que pour attirer des «opérateurs économiques» ou encore pour développer le «potentiel touristique».
Sans rentrer dans les détails, le président Comorien rappelle avoir «demandé l’appui de la communauté internationale dans un cadre d’un programme de développement qui puisse satisfaire le nécessaire vital» des Comoriens, «pour qu’on garantisse leur devenir». Durant sa visite officielle à Paris, François Hollande a d’ailleurs annoncé l’instauration d’une «mission d’écoute» de la France et l’Union européenne pour appuyer cette aide au développement.
Reconnaître la réalité pour tenter de la changer
Interrogé enfin sur la crise des décasés qui a secoué Mayotte ces derniers mois, le président Comorien choisit, là encore, l’apaisement. «Ce qu’on a senti, c’est qu’il y a eu des victimes. C’est vrai, il a manqué un peu de prévention. Mais on a constaté aussi que l’État français a tout fait, même s’ils ont mis du temps» pour que «le calme (soit) rétabli».
Le ton et l’ambiance ont donc changé, avec la volonté de partir de la réalité pour tenter de mieux la changer. Mais malgré la volonté affichée, sur les questions plus concrètes, il faudra donc encore attendre.
RR
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