Ibrahim Aboubacar annonce en conférence de presse qu’il en tirera toutes les conclusions, mais il veut auparavant que les sages du conseil d’Etat se penchent sur la question : le droit du sol relève-t-il de la tradition Républicaine ?
« Beaucoup de juristes se sont prononcés sur la question », raille le député Mahorais qui fustige ainsi une certaine approximation des jugements tant que la haute instance n’a pas tranché.
Et il relève un contresens : « le droit du sol a été instauré seulement en 1994 par la droite, nous étions dans l’exception. Il fallait à l’époque que je prouve ma nationalité par les identités de mes grands-parents. Pourquoi cette fois ci, on nous refuserait l’exception ? » La départementalisation de Mayotte est sûrement un explication, mais ne suffirait pas, « il n’existe aucun texte du conseil d’Etat sur ce sujet. »
Avis favorable de Victorin Lurel
Le député part donc déposer un amendement qu’il rattache au projet de loi Egalité réelle, sur un sujet qui relève plutôt des prérogatives du gouvernement, « seul susceptible de saisir le conseil d’Etat. » Et c’est ce qui s’est passé en séance le 4 octobre dernier, par la bouche de la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts. Avant son intervention, (cliquer sur « Après l’article 10), Ibrahim Aboubacar avait reçu un soutien de poids, celui du rapporteur du projet de loi Egalité réelle Victorin Lurel, qui a émis un avis favorable.
Parallèlement à ce jugement constitutionnel, le député a demandé à des juristes de l’Assemblée nationale de se pencher sur le sujet.
Car il y a un précédent de poids : dans le cadre des mesures anti-terroristes, François Hollande a du renoncer à inscrire la déchéance de nationalité pour les binationaux parce qu’elle impliquait une révision constitutionnelle. « C’est pourquoi je ne propose pas de retirer le droit du sol, mais de le conditionner à la nationalité française d’au moins un des parents », précise-t-il.
Azali Assoumani à Paris
Un positionnement qu’il prend à quelques mois des législatives alors qu’il se représente, mais que le débat en cours sur Egalité réelle lui offre un plateau : « Je ne fais pas de la politique spectacle », se défend-il les mâchoires serrées à l’adresse d’élus locaux, mais surtout du Front national de Marion-Maréchal le Pen, « qui se sert de Mayotte pour attaquer le droit du sol national mais vote contre toute avancée sociale ici, dont la CMU-C. »
L’avis du conseil constitutionnel tombera avant le vote définitif de la loi de février 2017, affirme Ibrahim Aboubacar, qui a donc retiré son amendement. C’est la première tentative menée de la sorte par un élu socialiste, et n’oublions pas que le sénateur Thani Mohamed en avait été le précurseur. Notre député Mahorais affirme qu’il l’a fait « en sachant le président Comorien, Azali Assoumani reçu à Paris. »
Sarkozy au tournant
Autre attaque, elle sera tournée vers son prédécesseur, l’ancien député UMP (LR) et avocat Mansour Kamardine, qui avait tenté de remettre en cause le droit du sol, « mais il l’avait lié en 2005 à l’article 74 des Collectivités territoriales (qui légifère sur les COM, ndlr), ce qui signifie qu’elle ne toucherait pas l’article 73 (qui couvre les DOM), que Mayotte a rejoint depuis. »
Le droit constitutionnel offre peu de fantaisies : « soit ce n’est pas un obstacle constitutionnel dans ce cas je demanderai l’aménagement du droit du sol. Soit ça l’est, et on peut penser qu’après avoir refusé une révision constitutionnelle pour la déchéance de nationalité, François Hollande ne l’accepte pas non plus pour les mineurs de Mayotte… » Peu d’issues dans ce cas, « en dehors de demander une lutte efficace contre l’immigration clandestine en utilisant tous les outils mobilisables. »
Le débat est en tout cas déjà pollué par la campagne des présidentielles, l’ancien président Sarkozy ayant indiqué qu’il voulait « réformer le droit du sol dans certains territoires, comme à Mayotte »…
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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