Petit précis à usage des conseillers départementaux : une audience solennelle d’installation du Tribunal de Grande Instance, ce n’est pas seulement la mise en place de personnels supplémentaires au service de la justice, et donc des justiciables que nous sommes tous, mais aussi le moment où le chef de la juridiction ainsi que le procureur, se livrent à des discours politiques, dans le sens des orientations à prendre pour notre département en fonction de l’évolution de la délinquance.
C’était aussi ce mardi 25 octobre, l’occasion d’inaugurer la nouvelle salle d’audience, avec box vitré pour les détenus arrivant sous escorte, peinture fraîche… et clim défaillante. Que n’auront donc pas découvert les élus, ni départementaux, ni les parlementaires… seul le maire de Mamoudzou était présent. S’il était une époque où les conseillers, alors généraux, craignaient ces audiences où ils se faisaient remonter les bretelles, ils ne viennent pas plus en départementaux lorsqu’ils reçoivent les félicitations, en l’occurrence celles du président Laurent Sabatier qui se réjouissait d’ « un partenariat croissant avec le conseil départemental. »
« +22% de déferrements »
Auparavant, le procureur Joël Garrigue, dont on perçoit la lassitude face au manque de moyens au regard des difficultés croissantes, avait livré quelques chiffres « d’un accroissement constant de la délinquance dont je peine à trouver les qualificatifs que j’avais déjà épuisés en février 2015 » (il avait alors évoqué des « chiffres catastrophiques » en Etat major de sécurité) : « Le nombre de majeurs interpellés qui partent en détention s’est accru de 22% en septembre 2016 par rapport au même mois de 2015 », sans doute à mettre en lien avec « le nombre de faits élucidés par la police et la gendarmerie de 30% supplémentaire sur les 9 premiers mois de l’année. Même pourcentage d’évolution pour les gardes à vue. »
Conséquence, une maison d’arrêt déjà en surpopulation, +125% de détenus, « on emprisonne par devoir pas par envie. Face aux délinquants, nous utilisons les moyens que la loi nous donne. »
Et justement, si le magistrat se félicitait d’accueillir trois collègues au siège, il dressait un réquisitoire sévère : « 13 juges au siège au lieu de 15, deux cabinets d’instruction pour 246 dossiers, un juge pour enfant débordé avec 82 mineurs à juger cette année, contre 47 en 2014, tout cela à mettre en lien avec les 400 postes vacants au niveau national. » Des résultats à relier au manque de structures pour la prise en charge de mineurs, « les Centre éducatifs fermés et renforcés sont à 1.500 km », à La Réunion.
« Patience », demande le président Sabatier aux avocats
Pour sa 3ème année, le procureur revenait avec beaucoup moins de véhémence sur l’exclusion d’accès de Mayotte au système de données informatiques de justice pénale CASSIOPEE, « celui ou celle qui viendra peut-être un jour me remplacer reprendra le flambeau ! »
Laurent Sabatier accueillait chaleureusement les trois nouveaux arrivants, non sans avoir remercié les partants Virginie Durand, juge des affaires familiales, et Guillaume Bourin, juge d’instruction. Et déploré les absences des représentants de la Cour d’appel de La Réunion, bloqués par un problème technique d’Air Austral. Il aura un mot malgré tout pour les avocats, sans toutefois les citer, qui avaient décidé de boycotter l’audience, « Patience, appuyait-il, quelques réglages restent nécessaires, le déménagement d’une juridiction n’est pas chose facile. »
Trois profils originaux
En sa qualité de vice-président, fonction qu’il a déjà occupée au tribunal d’instance d’Auxerre, Pascal Bouvard va donc exercer comme chef de service du cabinet des Juges des Libertés et de la Détention, lui qui a aussi été chef d’entreprise dans le domaine de l’informatique, « votre sérénité et votre investissement sont déjà reconnus de tous. »
Betty Baroukh était juge d’application des peines à Montbéliard lorsqu’elle partit en mission en Ethiopie. Elle n’est pas à Mayotte par défaut, puisqu’elle n’a postulé que sur le TGI de Mamoudzou, qu’elle fait déjà profiter de sa « bonne humeur constante » et de son « investissement au quotidien », souligne Laurent Sabatier.
Qui n’est pas avare de compliment pour Bruno Fisselier, qui porte « un triple regard », pour avoir été avocat au barreau de Nouméa, pour basculer vers le parquet et enfin finir au siège à Mayotte comme juge aux Affaires familiales.
Laurent Sabatier qui aime travailler en partenariat, se félicitait d’avoir Joël Garrigue à ses côtés, le préfet Frédéric Veau, le conseil départemental donc, et les cadis.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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