Les fonds européens sont ainsi conçus qu’il faut avancer les fonds pour en obtenir le remboursement à la fin des travaux. Nous l’avons répété à plusieurs reprises dans ces colonnes, pour consommer des fonds structurels européens, il faut donc être… structuré un minimum. Or, département en 2011, et peu décentralisé en dépit des 3 actes fondateurs nationaux, le territoire n’a pas encore les reins assez solides pour préfinancer ses projets.
L’Etat, autorité de gestion de ces fonds, doit donc en effet mettre la main à la poche s’il ne veut pas avoir à continuellement épauler Mayotte.
Dans ce cadre, l’AFD est en pleine réflexion sur la méthode à adopter. On sait que l’Agence prête volontiers aux collectivités dont la gestion est saine, mais aussi à celles dont le budget est réglé par la Chambre régionale des comptes (en raison de leur déséquilibre), « et qui sont engagées dans un plan de sortie de crise », précise Patrick Salles, Directeur de l’antenne locale de l’AFD.
L’AFD joue franc jeu
En terme de préfinancement, un gros projet est encours puisque ce 9 novembre le Centre Hospitalier de Mayotte va bénéficier de 3 prêts de 23 millions d’euros pour financer la construction de l’hôpital de Petite Terre, dont 17 millions de préfinancement de subventions européennes.
Autre gros poste de dépenses liées aux exigences européennes, l’eau et l’assainissement. Le Syndicat des Eaux et d’Assainissement de Mayotte (Sieam), encore fragile, est un bon exemple de structure à soutenir, « nous leur avons prêté 2 millions d’euros. » Car ils ont le soutien financier de l’Etat et de l’ONEMA, autant de garanties valables.
L’AFD joue franc jeu et évoque les contraintes sur lesquelles elle peut agir, et qu’elle cherche à améliorer : « nous procédons à l’instruction d’un dossier comme si nous prêtions à long terme sur 15 ans, alors qu’il s’agit en réalité d’environ 3 ans. » Le secteur privé est logé à la même enseigne, « beaucoup d’entreprises ont des problèmes de trésorerie, mais nous travaillons avec Paris sur une possible évolution. »
La ministre des Outre-mer impliquée
Il faudrait déroger aux règles en vigueur sur les autres territoires, surtout que le taux de remboursement n’est pas mauvais, selon le financier : « C’est bien pour cela que nous appliquons une certaine souplesse ici, qui prend en compte la complexité du territoire. » Trop de souplesse même parfois, « nous avons laissé une dette de 8 millions d’euros au SMIAM*, qui est en cours de dissolution, et la situation n’est pas plus confortable à la SIM**. » Des mauvaises expériences qui refroidissent les ardeurs.
« C’est ce qui explique notre prudence, car beaucoup de collectivités se faisaient financer les études préalables, et engageaient des travaux qu’elles n’arrivaient plus à boucler. Nous conditionnons maintenant notre aide, au bouclage de l’ensemble des financements », explique-t-il.
La ministre des Outre-mer Ericka Bareigts a entendu les doléances des maires lors de son passage à Mayotte, et a reçu le lundi suivant sur son bureau une motion de l’ACCD’OM demandant à l’Etat de se porter caution pour les préfinancement. La ministre recevait d’ailleurs dans la même semaine les directeurs généraux de la CDC, Pierre-René Lemas, mardi 25 octobre, et de l’AFD, Rémy Rioux, le lendemain 26 octobre.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* SMIAM, le syndicat mixte d’investissement et d’Aménagement de Mayotte dont le préfet Morsy a souhaité la dissolution au regard de sa mauvaise gestion
** SIM, Société Immobilière de Mayotte
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