Pas facile d’entendre le récit des faits. A.S., âgé d’une quarantaine d’années, est accusé d’avoir frotté son sexe sur l’anus et les fesses de la petite N., âgée donc de quatre ans et demi. C’est un petit homme, mince, proprement vêtu, qui arrive encadré entre 3 gendarmes, de la prison de Majicavo où il est den détention préventive.
N. quitte l’école coranique à 10h ce 10 octobre 2015, et à midi elle raconte à sa mère puis à son oncle, ce qui lui est arrivé : un homme l’a « épousée », puis lui a donné une pièce de 20 centimes. « La maman a un bon réflexe en ne lavant pas la petite robe de sa victime. Puisqu’on y retrouvera, ainsi que sur le sexe de la fillette, un liquide blanchâtre ressemblant à du sperme », relate le président Sabatier. Les analyses le confirmeront, livrant l’ADN, c’est celui de A.S.
Malgré cette preuve, il continue à nier, « je ne connais pas la petite. » En situation irrégulière sur le territoire, il ne travaille pas, et ses 2 alibis, les travaux aux champs, et le déjeuner chez sa cousine, tombent l’un après l’autre, les villageois confirment aussi qu’il traine souvent dans le village.
Elle reconnaît les pièces du banga
Lors de l’instruction, il est amené à croiser la fillette dans un couloir, « qui s’est mise à hurler en vous voyant ». Lui, explique qu’elle pleurait déjà avant. Même réaction de frayeur lorsqu’elle a désigné le banga de A.S. du doigt, et qu’elle le voit sortir. De plus, lorsqu’on lui montre des planches photos du banga de A.S., elle reconnaît les pièces. Tout l’accable.
Par l’intermédiaire du traducteur, il explique que s’il était coupable, il ne serait pas resté sur place. Les magistrats essaieront de le faire craquer, en vain, quoique… A la question du juge « que penseriez-vous d’un homme de 40 ans qui frotterait son sexe sur celui d’une petite fille de 4 ans jusqu’à l’éjaculation ? », là où n’importe qui se révolterait, il répond seulement, « je ne peux pas donner de réponse ».
Son avocate plaidera justement une altérité du discernement, « il ne comprend pas ce qui se passe, ne perçoit pas la réalité des faits. C’est sur ce point qu’il faut travailler, même si les études psychiatriques n’ont rien livré. »
« J’ai 3 enfants à Anjouan »
La substitut du procureur avait auparavant rappelé la peine encourue de 10 ans de prison, « il n’y a aucun doute sur sa culpabilité avec les éléments objectifs versés au dossier, et lui se mure dans le déni complet de justice. » Un comportement qui le prive d’une condamnation à se soigner, « malgré le risque de récidive. » Elle requerra 5 ans de prison, ainsi que l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV),
Pour la 1ère fois, la voix A.S. se fait entendre de manière spontanée, à peine audible, relayée par l’interprète : « Je n’ai jamais fait de mal. J’ai trois enfants à Anjouan, dont l’un est décédé. Tenez compte de ma situation, car j’ai passé beaucoup de temps de détention provisoire. »
« Le tribunal n’a pas cru votre version », lui répond le président d’audience après un quart d’heure de délibération avec ses 2 assesseurs.
A.S. est condamné à 4 ans de prison, avec un maintien en détention, et inscription au fichier FIJAISV. Il ne bronche pas, et repart tranquillement avec l’escorte de gendarmerie.
Le jugement pour intérêt civil se tiendra le 10 mars 2017, si les victimes se font de nouveau connaître.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
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