L’Economie sociale et solidaire (ESS), c’est avant tout une histoire de valeur. On peut s’y engager en ayant l’espoir de s’enrichir, mais pas trop, car c’est avant tout le service rendu à l’humain qui prime. C’est le cas des associations, des coopératives, des mutuelles et des fondations. Des structures qui se définissent, par leur statut, comme des groupements de personnes et non de capitaux.
A Mayotte, cette forme d’économie prend tout son sens comme le rappelait le sénateur Thani Mohamed Soilihi, présent en tant que président de la Chambre Régionale de l’Economie sociale et solidaire (CRESS) de Mayotte : « L’Economie sociale et solidaire est dans l’ADN de la société mahoraise », où sévit notamment l’entraide de la musada, « il fallait seulement structurer tout ça. »
Et ça a mis du temps, puisque l’ordonnance (avril 2016) et son décret sont sortis 2 ans après la loi prévoyant l’implantation des CRESS. « Elle va permettre au secteur de bénéficier de dons et d’aides particulières », annonce le préfet Frédéric Veau, qui précise que la Chambre bénéficie pour 2016 d’une dotation pour son fonctionnement de 40.000 euros par an de la Direction générale de l’emploi, et de 25.000 euros du Trésor.
Ne plus dépendre des subventions
D’autres financements sont prévus sur les projets menés, comme ce fut le cas lors de l’appel à projet du ministère des Outremer qui a financé pour 90.000 euros d’associations et coopératives de ce secteur, dont la CRESS, « il y en aura un autre en 2017 », ainsi que de 30.000 euros au titre de la politique de la ville.
Si les partenaires à l’origine de la naissance de la CRESS que sont l’OIDF, Tama, Mtsikano et Créapépite, sont déjà membres de la Chambre, sont en passe de les rejoindre des institutions bancaires coopératives et mutualistes comme La Poste, la Bred et le Crédit Agricole, « 85% des activités bancaires relèvent de l’ESS », souligne Ben Amar, Directeur de la structure. « Les modalités de financement vont nous permettre développer des activités de l’ESS sans dépendre de subventions qui n’arrivent jamais », résume Thani Mohamed.
L’Economie sociale et solidaire c’est 10% en moyenne de la richesse du territoire, « jusqu’à 13% dans certaines régions. » Et les 4 structures membres fondatrices représentent déjà 509 emplois, cumulent 20 millions de chiffre d’affaires, et touchent 15% de la population mahoraise.
Un pouvoir de persuasion…
On peut se demander ce que ça va changer pour elles : « La CRESS joue un rôle similaire à celui d’une Chambre consulaire. Nous défendons les intérêts de nos membres, c’est une vraie force vis à vis des pouvoirs publics ou de l’Union Européenne. Nous pouvons ester en justice par exemple », glisse ben Amar.
Pour l’instant, les « consommateurs » d’économie sociale et solidaire ne profitent pas des mesures incitatives comme les déductions d’impôts lors de l’emploi de personnes à domicile, comme c’est le cas en métropole. Un frein certain au développement du secteur, pour lequel le sénateur Mahorais avait introduit un amendement, retoqué.
Un secteur moral
Pour que la CRESS vive officiellement, elle devait être adoubée par le conseil départemental qui cumule le social comme mission première, et l’économie en tant de région. « Nous ne pouvons pas tout exercer en interne », justifiera le 4ème vice-président chargé du social Issa Issa Abdou, qui était venu notamment avec le DGA Economie et finances.
Ce sont 346 structures qui sont concernées à Mayotte, dont 80% sont des associations, « toutes ne pourront pas intégrer notre CRESS. C’est l’objet social qui fait la différence. L’association doit s’engager à développer ses services et à recruter, au lieu de capitaliser », explique Ben Amar, arrivé tout droit de Tama, dont il fut directeur adjoint, comme Thani Mohamed qui en est encore le président.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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