A partir de demain vendredi, des «tours d’eau» vont donc se mettre en place dans huit communes du sud de Grande Terre. La cause? Le remplissage trop faible et inquiétant des retenues collinaires. Il faut savoir que l’eau potable de Mayotte provient à 80% de ressources dites superficielles: ce sont les eaux de surfaces des retenues collinaires de Combani et Dzoumogné ou les captages dans les rivières. Notre eau provient également à 18% des forages et pour 3% de l’unité de dessalement de Petite Terre.
La réserve de Dzoumogné alimente essentiellement le nord. Lorsqu’elle est pleine, elle représente 2 millions de mètres cubes. Actuellement, elle n’est remplie qu’à 33%, soit 650.000 mètres cubes. La retenue de Combani est un peu moins importante, avec 1,5 million de mètres cubes à pleine capacité. Elle assure 84% de l’approvisionnement en eau du sud. En ce mois de décembre, on n’y trouve que 300.000 mètres cubes, soit 20% de son maximum.
Certes, la cause est à trouver du côté de la météo. Il existe actuellement un déséquilibre de températures, moins élevées dans le Canal du Mozambique que de l’autre côté de l’océan Indien, vers l’Australie, ce que les spécialistes appelle le «bipôle océan Indien». «Cette anomalie perturbe les routes des anticyclones, des fronts froids et des fronts chauds», explique Bertrand Laviec de Météo France. La conséquence est que le «talweg de mousson», et donc la saison des pluies, n’est pas encore arrivé sur notre île.
500 litres d’eau pour laver une voiture
Résultat, nous ne pouvons que constater un manque de pluie de plus de 30% sur le nord et donc sur les retenues collinaires. Les réserves se vident et les spécialistes indiquent même qu’au rythme actuel de consommation, la retenue de Combani pourrait être vide au 2 janvier.
Car le problème, c’est bel et bien notre consommation. Elle augmente de quasiment 10% par an. Or dans cette période délicate, Jean-Michel Renon de la SMAE rappelait hier lors du comité sécheresse, quelques données essentielles. «Les besoins vitaux en eau potable, strictement nécessaires pour une personne, sont évalués à 8 litres par jour. Cela correspond à 3 litres par jour pour la boisson, 5 litres pour la cuisine et les besoins d’hygiène corporelle essentiels», indiquait-il.
«Mais quand on lave une voiture, c’est 500 litres d’eau. 500 litres, ce sont les besoins vitaux en eaux pour une centaine de personnes. Par les temps qui courent, quand j’ai un verre d’eau, qu’est-ce que j’en fait? Je le donne à mes enfants ou je le donne à ma voiture. C’est la question qu’on peut se poser».
Des fuites qui coûtent cher
De la même façon, le remplissage d’une piscine pour une remise à niveau, actuellement interdit par arrêté préfectoral, nécessite plusieurs centaines de mètres cubes, c’est-à-dire les besoins vitaux de plusieurs centaines de personnes.
Et souvent, nous gaspillons beaucoup d’eau sans y prêter attention. «Avoir chez soi une chasse-d’eau ou des robinets qui fuient, ça représente 700 litres par jour, les besoins de presque 100 personnes. Quand on laisse le robinet ouvert, alors qu’on en n’a pas spécialement besoin, toutes les 20 secondes, vous gaspillez les besoins vitaux d’une personne», expliquait Jean-Michel Renon. «L’enjeu il est là, partageons la gestion de l’eau dans cette période contraignante».
Une 3 retenue collinaire
Pour qu’à l’avenir, nous disposions d’une eau potable en quantité suffisante toute l’année, deux pistes semblent essentielles. La première est le développement des infrastructures. Le grand projet, c’est bien entendu la construction d’une 3e retenue collinaire, dans le centre de l’île. Elle disposera d’une réserve de 3 millions de mètres cubes, représentant une fois et demi la retenue de Dzoumogné et deux fois celle de Combani. «Ca donnera une marge tout à fait appréciable», reconnaissait le préfet Frédéric Veau, mais le coût est très important.
Entre l’acquisition du foncier (5 millions d’euros), la construction de l’ouvrage et les connexions aux réseaux, il faut trouver entre 23 et 25 millions d’euros. Les procédures vont être lancées début 2017, affirme le préfet, pour une mise en service espérée fin 2020, à condition de parvenir à caler le plan de financement.
Le consommateur en 1ère ligne
Des recherches de ressources complémentaires sont également lancées comme un captage sur des rivières, comme sur la Dembéni. Le développement des forages devrait également se poursuivre.
Mais la 2e piste, tout aussi importante, se trouve sans aucun doute du côté de la consommation et des économies d’eau que nous pouvons tous réaliser. Même si l’information ressemble à un message institutionnel, la gestion de l’eau doit être l’affaire de tous, et pas seulement du SIEAM ou de la SMAE. Actuellement à Mayotte, plus que jamais, c’est surtout l’affaire des consommateurs.
RR
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