L’intitulé du texte a de quoi détourner l’attention. Et pourtant. Ce projet de loi «autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Maurice sur la cogestion économique, scientifique et environnementale relative à l’île de Tromelin et à ses espaces maritimes environnants» pourrait représenter une brèche dans la souveraineté de la France sur cette petite île.
Tromelin, c’est un tout petit bout de terre de 1 km2, à 535km au nord de la Réunion et à 450km à l’est de Madagascar. Découvert par un navigateur français en 1722, il est actuellement géré par l’administration des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) depuis Saint-Pierre, à La Réunion.
L’île n’est pas tout à fait inoccupée puisque quatre salariés de Météo France se relaient à l’année, permettant à la France de se prévaloir d’une présence humaine continue. On connaît surtout d’elle, le drame qui s’y est déroulé en 1761, une page sombre de l’Histoire de France.
Aujourd’hui, au-delà de la terre émergée, l’îlot couvre une zone de pêche gigantesque avec des eaux riches en thons: on parle ici d’un domaine maritime de 280.000 km carrés. Pour mémoire, la France hexagonale plus la Corse couvre une zone maritime de 345.000 km²… de quoi susciter des convoitises et des contestations de souveraineté.
20 ans de négociations
Si les îles éparses françaises du Canal du Mozambique (Les Glorieuses au nord de Mayotte ; Bassas da India, Europa et Juan de Nova, au sud du Canal) sont revendiquées par Madagascar, c’est l’Île Maurice qui vise Tromelin, et avec une grande constance. Ses premières revendications officielles datent en effet de 1976.
Depuis, la question de la souveraineté de l’île n’a cessé d’empoisonner les relations entre les deux pays. Pas moins de 20 années de négociations ont été nécessaires pour qu’un accord soit signé le 7 juin 2010, prévoyant cette «cogestion» économique, scientifique et environnementale de l’île.
Le texte a été ratifié par Maurice mais pas encore par la France. L’accord est tout de même passé devant le Sénat où il a été adopté en 2012. L’accord «ne marque en aucun cas un changement de la position française en ce qui concerne la souveraineté ou les compétences territoriales et maritimes sur l’île de Tromelin», avait à l’époque affirmé le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, qui s’était même rendu sur l’ilot.
Traité «inique»
Mais depuis, le projet de loi était opportunément bloqué dans le processus parlementaire. Ajourné en juin 2013, il n’avait jamais été réinscrit à l’agenda… jusqu’à ce mercredi 18 janvier, date à laquelle il va faire son retour à l’Assemblée nationale pour être débattu.
Le député du Tarn (UDI) Philippe Folliot et l’écrivain Irène Frain (auteur d’un roman sur l’ilot) ont fait part dans une tribune commune dans le Figaro de leur inquiétude: «La France s’apprête à céder de fait, et sans contrepartie, une part de notre territoire national», affirment-ils. Ils dénoncent un «traité inique» de cogestion et leur militantisme est allé jusqu’à lancé une pétition «l’île de Tromelin doit rester française» sur la plateforme change.org. Elle s’apprête à dépasser les 10.000 signatures.
Des craintes sur le domaine maritime
Dans un communiqué publié la semaine dernière, la présidente du Front national Marine Le Pen a également dénoncé «un projet qui amputera le territoire national», «une étape avant que la France abandonne toute souveraineté sur Tromelin et sa ZEE».
Mais le député Philippe Folliot voit plus loin et craint pour de nombreux autres territoires français. «S’il était, par malheur, ratifié, ce traité servira de fondement pour justifier, légitimer et accroître les revendications de Madagascar sur les îles Eparses, du Mexique sur la Passion-Clipperton voire, à terme, de l’Afrique du Sud ou de l’Australie sur les Terres Australes…» s’inquiète-t-il. «L’adoption de ce traité marquerait le début du démantèlement de notre domaine maritime, le deuxième au monde avec 11 millions de km², et la fin de la singularité française qui, si elle se croit continentale et européenne est en réalité maritime et mondiale».
L’Assemblée nationale devrait donc trancher.
RR
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