« Vous avez entendu parler des marchands de sommeil ? », s’enquiert le président Laurent Sabatier face à l’accusé qui avance la compassion. Il avouera en fin d’audience que l’objectif était financier.
On peut difficilement penser le contraire en écoutant la description de cette construction d’hébergements collectifs sise en Petite Terre : sur 3 niveaux d’une surface de 620m2 au total, 4 T2 et 14 chambres individuelles occupent 361m2, le reste est encore en travaux. O.A., par ailleurs professeurs des écoles, l’exploite depuis 2012.
Cette année là, c’est le conseil départemental qui fait un signalement au sujet de l’immeuble, déclenchant une enquête qui n’a été close que l’année dernière. Entretemps, les services de l’Etat ne sont pas restés inactifs, puisque la gendarmerie est passée chaque année pour noter méticuleusement les évolutions de la petite entreprise, « elle continue, il n’y a pas eu de régularisation », mentionnent-ils.
Les loyers continuent à tomber
Car les locataires sont pour la plupart des femmes en situation irrégulière, mère de jeunes enfants. Une activité qui lui procurera environ 1.200 euros par mois, « ce n’est pas stable », défend-il, en supplément des 2.500 euros de son salaire d’instituteur. « Ces femmes viennent me voir parfois en pleurant pour que je leur trouve une solution d’hébergement. Mes locataires n’ont de cesse de me remercier ensuite », appuie-t-il. « Vous recyclez les ‘décasés’, c’est ça ?! », interroge le président narquois.
Qui s’étouffe à moitié lorsqu’il apprend que les affaires marchent encore bien, et c’est d’une voix à la fois aiguë et agacée qu’il réagit : « Malgré les poursuites, une construction non déclarée, vous continuez à accueillir des locataires en situation irrégulière ?! »
A l’issue d’une visite, l’Agence régionale de Santé (ARS) déclare les logements insalubres, ce qui amène O.A. à effectuer quelques aménagements, « pour améliorer les conditions de vie des locataires », souligne son avocat Me Andjilani.
Pas de clémence pour ce primo délinquant demande le parquet
O.A. le répètera à plusieurs reprises, « nul n’est censé ignorer la loi, mais je croyais ces mamans d’enfants français lorsqu’elles me disaient qu’elles n’étaient pas expulsables. » Les juges lui répondront sur un mode « nul n’est censé ignorer l’actualité » : « Depuis plus d’un an, les médias se font l’écho des collectifs qui dénoncent l’hébergement des personnes en situation irrégulière. »
La substitut du procureur renchérira : « Une partie de la population de Mayotte montre du doigt l’étranger, mais sait s’en servir pour en tirer de l’argent. » Elle retiendra les infractions de non déclaration de 840m2 au permis de construire ainsi que de l’ensemble des étages, un défaut d’assurance, l’emploi de travailleurs non déclarés, des conditions d’habitation indignes, sans luminaires ni sanitaires, « nous ne sommes pas dans l’humanitaire qui autorise l’aide sans contrepartie financière. »
C’est cet aspect de la personnalité du prévenu qui l’incitera à la fermeté, « votre casier judiciaire est vierge, mais vous ne méritez pas la clémence du tribunal ! » Elle demandera 3 ans de prison avec sursis et mise à l’épreuve pendant 2 ans, et 30.000 euros d’amende, dont 15.000 euros ferme. S’y ajoute la démolition de l’immeuble sous un an et sous peine d’astreinte de 30 euros par jour de retard, ainsi que l’affichage de la condamnation, « compte tenu du contexte mahorais ». La sanction pour absence de déclaration fiscale ne relève selon elle, que de l’administration fiscale.
La lourdeur des peines demandées par le ministère public a épaulé Me Andjilani lui évitant une défense compliquée : « Vous ne tenez pas compte du contexte mahorais. O.A. a proposé un hébergement à des gens en difficulté. Nous sommes asphyxiés par l’immigration clandestine. » Une argumentation à double tranchant. Il affirmait que rien dans le dossier ne lui permettait de connaître le statut de ses locataires. Il appelait à la relaxe, sous condition de régularisation, pour tenter d’éviter la démolition.
Le délibéré sera rendu le 1er février 2017.
A.P-L.
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