Nous ne sommes plus dans les adjectifs « Garriguien » de qualification de la délinquance, dont le procureur faisait usage l’année dernière pour évoquer des « chiffres catastrophiques ». Mais lors de la présentation des chiffres de la délinquance observée au cours de l’année 2016, on marchait sur des œufs pour évoquer une « stabilisation de la délinquance », voire une baisse ces 3 derniers mois, « la situation est très fragile, nous ne sommes pas à l’abri d’un épisode qui pourrait inverser la tendance », évoquent en chœur le préfet Frédéric Veau et le procureur Joël Garrigue.
En tout cas, la prise en compte du phénomène par la préfecture de Mayotte, notamment la présentation de statistiques détaillées, est inversement proportionnel à la communication des faits divers quotidiens auprès des médias mahorais, dont les représentants déploraient d’être tenus à l’écart. Une information en temps réel sur les coupeurs de route pourrait en effet être bénéfique à tous les automobiliste.
En 2016, 10.778 faits ont été enregistrés, contre 10.545 en 2015, « soit une hausse de 2,2%, bien loin des +15% des deux années précédentes », évoquait le préfet.
Les rixes entre jeunes à l’origine de la moitié des agressions aux personnes
La délinquance à Mayotte diminue donc sur les atteintes aux biens (6.047 faits, dont 1.149 cambriolages, soit 4,61 pour 1000 habitants, contre 3,83‰ dans la France entière), en baisse de 9% par rapport à 2015, et augmente pour les agressions envers les personnes (3.520), mais en grande partie, 1.739, liées à des bagarres crapuleuses, rixes ou violences lors des rencontres sportives, (soit 14,14‰ à Mayotte contre 8,71‰ en France), en hausse conséquente de 21,50%.
Pour les premières, le taux d’élucidation est de 14%, donc faible, alors qu’il est de 47% pour les atteintes aux personnes, en hausse de 20%.
Il y a eu 664 escroqueries économiques et financières, en hausse de prés de 26%, leur taux d’élucidation est de 70%.
Les mineurs sont de plus en plus impliqués dans les agressions physiques envers les personnes, notamment lors des violences entre bandes, et aux abords des établissements scolaires, et ils sont impliqués à 51% dans les cambriolages.
« Mettre des bleus dans la rue »
Le répit sur les atteintes aux biens, est lié pour le préfet, à la protection renforcée des habitations, et des entreprises. Quant aux personnes, l’utilisation de bombes lacrymogènes n’est pas une solution pour le procureur, « souvent les armes se retournent contre celui qui les porte », et il préfère une autre solution : « Pour protéger les gens, il faut mettre des bleus dans la rue. Dans les zones où les forces de l’ordre ont assuré une présence renforcée, on a assisté à un tassement de la délinquance ces derniers mois. »
Des actions liées pour la plupart au Plan de sécurité de Bernard Cazeneuve,
dont le préfet faisait le point des 66 actions au programme : « 14 sont déjà réalisées, comme les arrivées de renfort, il y a donc 233 policiers, 260 PAF et 359 gendarmes, la coordination opérationnelle renforcée, le partenariat avec les forces armées, ou la rénovation des radars, et 24 mesures en cours, comme le recrutement des formateurs anti-drogue, la prévention de la délinquance en collaboration avec les maires assurée par le capitaine Chamassi, l’homogénéisation de la flotte des bateaux intercepteurs et l’arrivée d’équipements lourds. »
Des policiers dans les rues jusqu’à 2h du matin
L’antenne du GIGN a permis « des filatures et des interceptions d’auteurs d’agressions sur les sites touristiques, et prépare des dossiers en cas de menace de toute sorte », commente le Commandant de la gendarmerie, le colonel Leclerq, alors que le Commissaire Jos vantait les avancées liées au Groupement de sécurité de Proximité sur Mamoudzou, « il permet d’avoir une équipe présente tous les jours jusqu’à 2 heures du matin, depuis le mois d’octobre », précisément les 3 mois de diminution de la délinquance, « nous avons eu 88 interpellations. »
Puisqu’il vaut mieux prévenir que guérir, le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance a alloué 336.797 euros en 2016, un chiffre qu’il faut regarder de prés et qui demanderait à être augmenté, puisque ce sont les actions portées par les associations de villages qui portent leurs fruits, « notamment à Chirongui, Dembéni et Sada », qui sont les plus dynamiques, observe la directrice de cabinet du préfet.
2% de femmes enceinte sur les kwassas…
En matière d’immigration clandestine, 22.677 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits et 432 kwassas interceptés en 2016, notamment par « une présence en mer renforcée », selon le représentant de l’Etat qui démentait comme son prédécesseurs, l’existence de kwassas sanitaires, ou scolaires, « seulement 20% d’enfants sur les kwassas, et 2% de femmes enceintes ». Et alors que le CHM enregistre un record de 9.500 naissances ! Donc, soit le taux de natalité fait un bond extraordinaire sur l’île, du fait notamment, des femmes issues de l’immigration clandestine, soit le nombre de kwassas qui passent entre les mailles du filet est conséquent.
Les objectifs en 2017 sont l’identification des bandes, « en particulier des coupeurs de route que nous ne lâcherons pas », la modification permanente des méthodes de lutte contre l’immigration clandestine, et la poursuite des efforts de prévention, notamment la mise en place d’une Brigade de Prévention de Délinquance Juvénile, « chargée d’accompagner les mineurs et d’empêcher le passage à l’acte. Mais nous n’avons pas de date de mise en place », déclare le colonel Leclerq.
Le procureur Joël Garrigue qui quitte Mayotte fin février, émettait des vœux supplémentaires, en souhaitant le maintien de la pression judiciaire pour les « coupeurs de route », et la déclinaison du Plan sécurité en matière d’hébergement des mineurs délinquants et de renforcement des moyens judiciaires avec la capacité d’investigation supérieure pour la Police.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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