Cela fait maintenant 66 jours que les salariés se sont mis en grève. Ils comptent sur leurs doigts, citent des noms, « 7 d’entre nous ne sont pas grévistes, sur les 51 salariés de l’entreprise », rapporte Nourdine Zaidou, délégué CFDT de la société.
Ballou est une des sociétés « historiques » de Mayotte, lancée à partie de la vente d’un dépôt de charbon de la marine française, les affaires vont prospérer, jusqu’à devenir l’enseigne que l’on connaît rue du Commerce, quincaillerie géante, doublée de vente de TV-hifi et de meubles à l’étage, de jardinage, d’électroménager, de scooter, et plus tard, d’une surface dédiée à la décoration. Réputée pour être l’endroit où se déniche l’objet rare qu’il vous manquait.
La situation semble plus bloquée que dans d’autres conflits sociaux, alors que des avancées ont été consenties sur 9 des 12 revendications, essentiellement par l’application du code du travail, notamment sur les grilles salariales. Les salariés ont même obtenu un bon d’achat de 200 euros, qu’ils nuancent, « seulement valable chez Ballou, on préfèrerait pouvoir acheter de la nourriture », ainsi qu’une prime salissure de 20 euros pour les employés travaillant en entrepôt. « Nous voulons négocier avec le directeur personnellement »*, insistent les deux délégués syndicaux CGT Ma et CFDT, comme préambule à la fin du conflit.
Deux mois sans salaire
Une demande qui n’est pas dépourvue de fondement puisque la direction du travail (Dieccte) évoque des réunions de conciliation infructueuses, « malgré les avancées proposées par la direction, le représentant de l’entreprise n’avait pas mandat pour signer un protocole de fin de conflit. »
Plus de deux mois de grève, sans versement de salaires donc, mais les salariés semblent avoir gardé une détermination de premier jour : « Nos syndicats nous aident un peu, mais nous nous débrouillons. Nous pouvons tenir encore ».
Nous avons vainement essayé de contacter Safdar Ballou, mais dans une interview accordée le 28 janvier dernier à nos confrères du Journal de l’Ile de La Réunion, il évoquait son inquiétude pour une entreprise qui « depuis le 6 décembre, se meurt à petit feu », avec des comptes « dans le rouge ». Et envisage de déposer une demande de redressement judiciaire au tribunal de commerce. Ce qui ne semble pas être une menace en l’air. « Nous n’en avons pas encore eu confirmation », glisse Alain Gueydan, Directeur de la Dieccte Mayotte, pas vraiment rassurant.
Pas de dépôt de comptes
Difficile de se faire une idée exacte de la santé de l’entreprise avant le conflit, « elle se portait bien », croit savoir un chef d’entreprise qui connaît les Ballou, alors que du côté de la Dieccte on révèle qu’il n’y a pas eu de dépôt de comptes au greffe du Tribunal de Commerce depuis plusieurs années maintenant.
Le directeur reproche à ces salariés une entrave au fonctionnement de l’entreprise, constatée par huissier, “trois de nos sites ont été vandalisés”, déplore-t-il dans les colonnes du JIR.
L’entreprise avoisine les 50 salariés, 48 selon la Dieccte, qui explique qu’« à partir de 50, un Plan de Sauvegarde de l’emploi est déclenché, avec obligation de reclassement. »
Les syndicats viennent de demander une médiation, « mais nous n’avons pas d’interlocuteur avec mandat pour négocier », déplore la Direction du Travail.
Une situation figée qui laisse présager du pire pour l’enseigne de la rue du Commerce et ses salariés.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
* Une rencontre s’est tenue de samedi entre les salariés et Sefdar Ballou, mais elle n’a donné lieu à aucune avancée. Le directeur a donné un ultimatum pour aujourd’hui lundi. Nous y reviendrons
Comments are closed.