Les maires et les délégués communaux de CCCO s’étaient réunis pour donner les orientations de développement après avoir pris connaissance du diagnostic du territoire livré par le cabinet Insidens, comme nous l’explique le DGS de la 3CO, Anassi Daniel : « Nous devons faire un état des lieux objectif avec des données exhaustives pour connaître nos 5 territoires, et souligner leurs forces et leurs faiblesses. Pour ensuite identifier les enjeux communs et les décliner en objectifs stratégiques, et enfin en actions. » Une feuille de route sera établie pour la mandature 2017-2020.
Les faiblesses transversales, on les connaît : 75% d’habitat insalubre sur l’ensemble des 5 communes, c’est à dire que 58% n’ont pas d’électricité, ou d’eau courante, 28%, ou de toilette, 58%.
Les réactions des élus des communes se faisaient de plus en plus nombreuses, au fur et à mesure que les statistiques étaient égrenées, la prise de conscience de l’étendue des dégâts causés par l’habitat insalubre, se faisait de plus en plus forte.
Disparition de 1.500 agriculteurs déclarés
Sada reste la plus densément peuplée des 5, avec 994 habitants au km2, et Mtsangamouji 289 hab/km2, la plus épargnée, en rapport à une moyenne territoriale de 570 hab/km2. Le taux de population étrangère est le plus élevé à Ouangani.
Deux logements sur 3 sont surpeuplés, à 90% dans les cases en tôle, et 20% des habitants ne sont jamais allés à l’école, « ce qui complique l’accès à l’emploi », commente Anne-Constance Onghéna, Directrice d’Insidens. Les effectifs des collèges se sont accrus de 70% en 8 ans, de 2003 à 2011.
La population de l’interco est faiblement qualifiée, et la place prépondérante est laissée à l’économie informelle, « vous avez ainsi perdu 1.500 agriculteurs déclarés en 5 ans. Ils préfèrent utiliser la main d’œuvre non déclarée et abondante. » Une large proportion de la population qui n’est pas imposable, et pour laquelle les maires financent des infrastructures, poursuivait Anne-Constance Onghena, « ce qui impacte vos finances communales », mettait-elle en garde.
Politique publique pour une économie souterraine
En livrant un exemple : « Ces familles bénéficient des meilleurs taux pour les collations scolaires, alors qu’ils ont des revenus non déclarés, ne paient pas d’impôts locaux, ne cotisent pas, et sont consommateurs de services publics comme les écoles. »
Les élus réagissaient évidemment massivement sur ce point, « c’est invivable ! », s’écriait l’un, témoignant d’une solidarité nécessaire sur le territoire, mais qui ne se justifiait plus en cas de revenus, fussent-ils au black.
Elu de Ouangani, Attoumani Harouna, 1er vice-président du CDTM, donnait une explication de cette régression du secteur agricole : « Avant, nous exportions de l’ylang. Mais les propriétaires ont coupé leurs arbres pour pratiquer l’agriculture vivrière, immédiatement rentable. Pareil pour la vanille pour laquelle nous avions une qualité bio. On retombe toujours sur la problématique de l’immigration. »
« La 3CO n’est plus le grenier de Mayotte », assénait le diagnostic, l’agriculture vivrière étant tournée vers l’autoconsommation.
Le Centre-bourg, pas une priorité de la loi NOTRe
Autre problème : si les élus visent en priorité l’aménagement de leur Centre-bourg, ils ont besoin des finances de l’Etat, « or, la loi NOTRe priorise la lutte contre l’habitat insalubre… qui n’est pas implanté dans le centre ville. Il va falloir rendre tout ça compatible », appelait Anne-Constance Oghena.
Elle a organisé depuis plusieurs mois une large concertation des élus et techniciens des communes, « 50 tables rondes », pour aboutir à 6 enjeux, interdépendants, « Se déplacer, se loger, se financer, créer de la valeur, vivre ensemble et attirer les touristes », et 19 propositions qui étaient débattues en atelier de cette matinée de samedi. Nous en citerons quelques exemples : des lignes de bus, un programme de promotion immobilière privée, une structure pour un partage équitable des impôts, agrotourisme, ou hôtel.
Articuler les politiques publiques en fonction de la richesse des habitants, voilà qui est compliqué à Mayotte. Trouver la méthode pour impliquer cette masse de population informelle, financièrement ou par une contrepartie-travail, voilà un vrai défi que vont devoir relever l’ensemble des intercommunalités.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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