Pendant deux jours, le Forum de l’emploi associatif a débattu du modèle adapté à Mayotte. Les associations peuvent jouer le rôle de tremplin pour tous ces jeunes sans qualification et qui font des « petits boulots » qui nourrissent une économie parallèle. Une insertion par le sport, l’économie sociale et solidaire ou les loisirs. Mais pour cela, chacun doit jouer son rôle.
L’Etat joue sa partition à entendre Bernard Ruby, Directeur de la Jeunesse et des Sports (DJSCS) Mayotte, qui a porté la création de l’APSL à Mayotte, « avec un budget de 500.000 euros, et rapidement rejoint par le conseil départemental qui a compris le potentiel de création d’emploi ».
Car il va justement falloir s’affranchir de cette aide subventionnée de l’Etat : « A Mayotte, les 50 emplois salariés dégagés par les 300 clubs sportifs, le sont en emplois aidés. Or, en métropole, si l’emploi associatif a été le seul à résister à la crise, c’est parce que le sport est largement financé par les ménages. Il faut arriver à cette implication à Mayotte. » Dans un département où 84% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le relais sera plus lent, mais une implication progressive sur des petites sommes est envisageable.
« Le salariat ne tue pas le bénévolat »
La prise de conscience doit venir des pouvoirs publics, « ils doivent prendre le relais si nous voulons dynamiser ces emplois », relève Bernard Ruby. Nous sommes sur un secteur dynamique, « la société ne peut pas vivre sans l’envie de se regrouper pour faire, pour construire dans l’intérêt public. C’est de là que le phénomène associatif tire sa vitalité. »
Et particulièrement prononcé à Mayotte à en croire Nicolas Verdon, le président de la Fédération nationale Profession Sport et Loisirs. S’il se disait « émerveillé par la beauté de Mayotte qui mériterait d’être davantage connue », c’est l’accueil reçu qui l’a le plus marqué, « j’ai noté un volontarisme de construire, de la part à la fois le secteur associatif, que de l’Etat ou de la Protection judiciaire de la Jeunesse. »
Le monde associatif est traditionnellement le siège du bénévolat, « mais il n’y a pas de concurrence, le salariat ne va pas le tuer. Le professionnel apporte généralement une expertise qui renforce au contraire l’association », assurait-il. On compte en France, 1,8 million d’emplois associatifs.
Gros besoins dans l’action sociale et la santé
C’est un outil structurant du territoire, selon lui, « une mine d’emplois », selon Bernard Ruby. « L’association est le lien entre le citoyen et le souverain », pour le conseiller départemental Bourhane Allaoui, qui s’y implique tellement « que ma mère et ma femme me demande d’arrêter ce travail de chien qui ne rapporte rien ! », mais qui rappelle qu’ « elle pallie aussi à la déficience des pouvoirs publics. »
Ce qui se vérifie à travers les chiffres des secteurs employant des salariés en France, livrés par le sénateur Thani Mohamed Soilihi : à 55% dans l’action sociale et la santé, à 15% dans l’insertion et la formation et 9% dans la culture et le sport. « On peut donc en déduire que le développement des emplois associatifs est lié à d’importants besoins sociaux, un modèle parfait pour notre île en outre imprégnée de solidarité. »
Co-créateur de Tama, et président de la Chambre régionale de l’Economie sociale et Solidaire (CRESS), Thani Mohamed a une expertise dans ce domaine. Il voit d’ailleurs une ombre au tableau, plusieurs même : « Tout d’abord, la complexification administrative freine de dynamisme associatif, ensuite, les financements publics vont aller en s’amenuisant. En outre, les collectivités territoriales ont recours de plus en plus à la commande publique pour leur besoin, une concurrence pour les associations. »
Social rime avec viable
Il rapporte qu’une solution a été proposée par Yves Blein : « Le député des Bouches-du-Rhône a demandé dans un rapport remis au ministre, d’explorer les voies des droits national et européen, pour sanctuariser l’emploi dans les secteurs de l’action sociale, de l’accueil des jeunes et des activités périscolaires. »
A propos d’action sociale, Bernard Ruby louchait du côté des 61 millions d’euros de rattrapage de l’Etat, « cet argent doit créer une dynamique d’emplois. Il s’ajoutera au potentiel touristique, en randonnée, parcours santé, exploration du lagon, de l’île. »
Si l’économie sociale et solidaire est conditionnée par une profitabilité à reverser en salaires ou formation, Ben Amar Zeghadi, directeur de la CRESS, rappelait qu’ « une association ne peut pas asseoir son utilité sociale sans assurer son développement économique derrière. Les moyens de l’Etat ne seront pas toujours là », il faut donc anticiper sur cette évolution.
« Rénover l’humain autant que l’urbain »
Il va falloir rassembler ces pistes et trouver un modèle pour Mayotte, « et une réponse institutionnelle adaptée au territoire car nous sommes confronté à une économie informelle aux côtés d’un secteur pas tout à fait formalisé encore », soulevait Ben Amar Zeghadi, « les associations peuvent assurer la transition, mais il faut le cadre d’un Schéma économique attendu du département. »
Ramener les jeunes exclus vers le marché de l’emploi, c’est l’objectif de Habib Ben Chadouli à travers ce Forum de deux jours* où il attend un partage des expertises pour accroitre l’ingénierie des Mahorais : « On rénove les quartiers, l’urbain, mais pas l’humain. Il faut proposer les deux en parallèle dans nos politiques publiques. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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