Mais que se passe-t-il avec les œufs? Alors qu’ils commencent à revenir dans les rayons de nos supermarchés après des semaines de pénurie, la Direction de l’alimentation (Daaf) fait le constat qu’un «déficit chronique d’œufs s’installe maintenant à Mayotte». Dans sa dernière lettre mensuelle, elle rappelle que nous étions pourtant autosuffisants jusqu’en 2014. Les importations n’intervenaient alors qu’au moment du Ramadan. Les choses ont changé très rapidement. L’an dernier, les grandes surfaces ne parvenaient plus à couvrir que 70% de leur demande avec des œufs produits localement. Depuis début janvier, on est même tombé sous les 50%.
Conséquence, la grande distribution est contrainte de commander entre 200.000 et 300.000 œufs chaque mois à l’extérieur. Et notre balance commerciale en matière d’œufs n’est pas prête de s’améliorer. «Indépendamment de l’évolution des habitudes de consommation, la mise en place des cantines scolaires et le besoin en collations chaudes va induire une demande nouvelle et forte», explique la Daaf. Car introduire des œufs dans l’alimentation des scolaires représente un grand avantage: cela permet de proposer des repas à des prix raisonnables.
Mais cela ne va-t-il provoquer de nouvelles tensions dans nos approvisionnements, cette nouvelle demande pour les collations scolaires étant estimée à 3,3 millions d’œufs par an dès 2017?
Un déficit de 18 millions d’œufs en 2020
La Daaf a travaillé sur des scénarios pour les 3 prochaines années. En conservant les capacités actuelles de production, le déficit global serait, en 2020, de 11 millions d’œufs dans l’hypothèse d’une évolution basse de la consommation, de l’ordre de +5%. Ce déficit monterait à 18 millions d’œufs par an dans le cas d’une évolution deux fois plus importante des besoins (+10%).
Le défi de Mayotte est résumé en une phrase par la Daaf: «Il faut donc mettre en place une politique d’augmentation raisonnée des capacités de production locale et d’alternative à la vente en frais pour répondre à la demande de la restauration collective et aux pics de consommation dans l’année, en évitant l’apparition de périodes de surproduction»… Y a plus qu’à !
Doubler le nombre de pondeuses
Pour commencer, il faudrait beaucoup plus de poules pondeuses. Les estimations varient entre +43.000 et +80.000, à l’horizon 2021. Pour mémoire, Mayotte compte actuellement 76.000 poules pondeuses actuellement.
Pour aller au-delà, Mayotte devrait se doter d’une casserie pour éliminer la production non-écoulée. Il faudra en effet pouvoir détruire les invendus (ou les exporter, mais c’est plus difficile), particulièrement pendant les vacances scolaires ou après le Ramadan. «Il faut toutefois rappeler qu’une casserie ne se rentabilise pas qu’en gérant les excédents momentanés»… En clair, l’idée d’un tel équipement à Mayotte est loin d’être acquise.
Susciter des projets
Nos producteurs mettent actuellement sur le marché entre 16 et 18 millions d’œufs chaque année, pour une consommation qui flirte avec la vingtaine de millions. Mais, en dehors des écoles, notre consommation évolue elle aussi, car nous sommes encore loin de ce qui existe ailleurs en France. La Daaf estime* que nous consommons 67 œufs par habitant et par an, bien loin de 120 œufs annuels pour chaque Réunionnais ou 250 pour les Métropolitains. «Or, les habitudes alimentaires évoluent», note la Daaf. Moralité, soit on produit beaucoup plus et rapidement, soir on va importer des quantités toujours plus importantes.
Les producteurs, les utilisateurs industriels d’œufs et la distribution réfléchissent à des solutions pour répondre aux besoins futurs. «Un industriel a planifié un projet d’élevage de poules pondeuses», dont 50% irait vers de la pâtisserie standardisés, «les 50% restant pouvant contribuer à réduire le déficit sur le marché de la consommation courante», annonce la Daaf.
S’organiser
Par ailleurs, la production d’œufs dégage des marges qui attirent de nouveaux producteurs, certains se détournant de la production de poulets de chair pour s’orienter vers la ponte. Les producteurs actuels imaginent aussi augmenter leur production.
La perspective d’assister à l’arrivée de 70.000 pondeuses de plus dans les années à venir réjouit la Daaf, qui espère voir «le développement de projets à la fois individuels et collectifs de tous les types d’acteurs de la filière». Mais les difficultés à surmonter sont connues: l’importation des poussins par avion, l’absence d’abattoir industriel et le respect des contrats. Les producteurs, les coopératives et les distributeurs doivent aussi apprendre à se coordonner pour planifier les commandes extérieures en cas de baisse de régime de la production mahoraise et éviter les pénuries. Bref, il faut encore s’organiser.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*Pour établir cette projection, la Daaf s’appuie, de façon très étonnante, sur une population mahoraise qu’elle estime à 300.000 habitants, sans la justifier. Pour mémoire, le seul chiffre officiel est une estimation de l’Insee faisant état de 235.132 habitants à Mayotte en 2016.
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