Pour conquérir le monde, la Chine ne fait jamais dans la demi-mesure. Tout d’abord, Pékin sait recevoir ses invités. Le président Héri Rajaonarimampianina en a fait l’expérience. Il a été accueilli par le président Xi Jinping au Palais du peuple. Pour une bonne heure d’entretien à l’issue de laquelle les deux chefs d’Etat ont finalisé un mémorandum sur l’intégration de Madagascar au sein de la «Ceinture Economique de la route de la Soie».
Cet ensemble économique voulu par la Chine pour booster sa croissance économique s’appuie sur la réalisation d’infrastructures lourdes dans les pays intégrés. Ces routes, ports ou voies de chemin de fer doivent servir les besoins des entreprises chinoises et augmenter toujours plus leurs échanges commerciaux.
D’un côté, la Chine poursuit sa politique d’exportation de son modèle de développement économique basé sur des équipements structurants et en obtenant des zones économiques spéciales dans ces états. De l’autre, les pays bénéficiaires de la manne chinoise espèrent décoller durablement en se tournant vers l’Asie… quitte à tourner le dos, sans le dire trop fort, aux pays occidentaux.
Un hub chinois aux portes de l’Afrique
Pour Madagascar, il s’agit clairement de privilégier la 2e économie mondiale, sans fâcher la France. L’argument est facile à trouver: la croissance se trouve en Asie et la grande Île veut utiliser son positionnement géographique pour devenir «un hub», entre le continent africain et un marché économique asiatique mirobolant, aux frontières de moins en moins contraignantes.
«Il existe une volonté politique de changer la trajectoire du pays qui a vécu près de cinq décennies de pauvreté. Il s’agit, en l’occurrence, de mettre en place une politique de développement durable axée vers l’intérêt de la population», a fait valoir le président malgache.
De façon très concrète, Madagascar veut doubler la part de l’industrie dans son PIB en trois ans.
Des contrats signés
Et quand Madagascar intègre cette «Route de la soie», les conséquences sont immédiates. Cinq accords ont été signés ce lundi 27 mars portant sur de grands chantiers. Ainsi, la China Communication Construction construira une autoroute entre Antananarivo et Toamasina, à 350km au nord-est de la capitale. Autre réalisation prévue, celle d’un grand port en eau profonde dans la Baie de Narinda, sur la côte nord-ouest de l’Île, face au canal du Mozambique. Le projet est très ancien mais n’avait jamais abouti. Les Sud-africains devaient s’y engager puis les Japonais. Aujourd’hui, les nouveaux enjeux maritimes internationaux redonnent de la pertinence au projet et ce sera donc la République populaire de Chine qui le réalisera.
Un autre accord, avec la société de télécommunications Huawei, porte sur le développement du concept de «ville intelligente», avec un réseau de caméras de surveillance pour la sécurisation et la gestion des activités urbaines. Par ailleurs, dans le cadre de cet accord, Huawei va accorder des bourses à des jeunes étudiants malgaches.
Et pour couronner le tout, une antenne de l’Economic Development Board Malagasy sera installée en Chine pour améliorer les relations avec les investisseurs chinois.
Des atouts et des besoins
Le président malgache a parlé de son
pays à ses grands capitaines de l’économie chinoise présents lors de la rencontre. Il a mis en avant un environnement pro-business dans le pays, avec par exemple une nouvelle loi sur organisant les partenariats public-privé. Mais c’est l’intégration de Madagascar dans les ensembles régionaux qui intéressait aussi la Chine. Le pays fait partie de plusieurs communautés de marchés: la COI, la SADC qui regroupe 15 pays, le COMESA et sa vingtaine de membres, ainsi que le marché de l’Afrique de l’Est, ce qui représente au total un vaste marché de plus de 500 millions de consommateurs…
Et le président malgache a évoqué les potentiels en gaz et en pétrole conventionnel mais il a insisté sur les besoins, nombreux du pays: pour faciliter l’augmentation la productivité de l’agriculture, construire des réseaux hydroagricoles, de nouvelles routes pour la circulation des produits, construire un réseau électrique (15% de la population a accès à l’électricité) et des sites de productions hydroélectriques… L’appel du pied était clair et les Chinois ne sont pas du genre à ne pas en tenir compte.
Un commerce bilatéral en expansion
Depuis 2010, la Chine est le premier investisseur étranger et occupe la première place en nombre d’entreprises étrangères installées dans la Grande Île, toujours suivie par les sociétés françaises. En 2015, sur les 484 entreprises étrangères créées, 168 sont chinoises, 110 françaises. Au total, 1.400 sociétés chinoises sont présentent dans le pays.
Le commerce entre les deux pays a été multiplié par 35 depuis 1990, mais il partait de très bas et reste encore modeste avec des échanges qui atteignent 668 millions de dollars. Beaucoup reste donc à faire, à commencer par améliorer l’image de la Chine qui n’est pas toujours très positive à Madagascar. La gestion de l’économie et des entreprises «à la chinoise» n’est pas sans poser quelques difficultés.
RR
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