Le sous-sol de Mayotte recèle des trésors insoupçonnables, les ouvriers du chantier du centre d’affaires de Kawéni en savent quelque chose. Depuis le début du mois de mars, les grues et les pelleteuses fonctionnaient au ralenti. Le chantier est désormais totalement à l’arrêt depuis ce jeudi. En cause, la découverte d’ossements dans une zone qui devait abriter les fondations du bâtiment nord. Il s’agissait d’un grand nombre de restes d’animaux, visiblement très anciens, qui ont poussé les entreprises à prévenir les autorités.
«Ce type de découverte est très rare à Mayotte. Pour juger de ce à quoi nous avions affaire, nous avons immédiatement demandé à un archéologue en poste à La Réunion de venir apporter son expertise», explique Chantal Boisseau, de la direction des affaires culturelles (DAC) de la préfecture de Mayotte. Et la démarche était la bonne car c’est un véritable petit trésor que les pelleteuses ont mis à jour.
«Nous avons une double découverte avec des restes d’oiseaux qui appartiennent à une espèce encore inconnue, mais en plus, ces animaux auraient été consommés par des hommes, attestant d’un peuplement de Mayotte bien plus ancien qu’on ne l’imaginait», explique l’archéologue Christophe Hoarau.
Peut-être le cousin d’un dinosaure chinois
«C’est une découverte fascinante qui est très importante pour notre connaissance de l’évolution des espèces d’oiseaux», confirme Priscilla Birdy, une chercheuse néo-zélandaise internationalement reconnue en archéo-biologie, arrivée à Mayotte en début de semaine. Elle a été appelée à son tour par l’archéologue réunionnais pour livrer des éléments d’analyses essentiels à la compréhension de cette espèce inconnue. «Cet oiseau devait avoir la taille d’une très grosse poule, un peu comme un Dodo. Il m’a immédiatement rappelé le Microraptor, découvert il y a quelques années en Chine».
Impossible de savoir à ce stade si l’oiseau découvert à Kawéni serait un lointain cousin du dinosaure chinois, mais comme lui, il a la particularité d’avoir deux paires d’ailes, ses pattes étant également recouvertes de plumes.
Des mabawas préhistoriques
«Les restes qui ont été mis à jour permettent d’ailleurs d’imaginer que les hommes de l’époque appréciaient particulièrement les ailes de cet oiseau, comme en témoignent le nombre d’ossements… Nos habitudes alimentaires ne datent pas d’aujourd’hui !» relève Christophe Hoarau. Autrement dit, nos ancêtres mangeaient des oiseaux qui disposaient de deux fois plus d’ailes que nos poules actuelles et qui étaient bien plus gros… de quoi déguster des mabawas de très bonne taille.
Tout ceci reste néanmoins à confirmer, les recherches vont évidemment se poursuivre. Déjà, le député Boinali Saïd a indiqué aux archéologues qu’il mettait une partie de sa réserve parlementaire à disposition pour engager, sans attendre, des opérations de protection de la zone. La fin de mandat approchant, c’est peut-être une façon pour le «député mabawa» de laisser une trace dans l’histoire.
Gourmandise
«Ce n’est pas souvent que l’on met à jour une espèce animale disparue. Bien sûr, le fait qu’on soit sur une petite île facilite la présence d’espèces endémiques. Mais ce qui est intéressant, c’est de pouvoir la relier à une activité humaine», précise Priscilla Birdy, «même si cette activité a vraisemblablement été la cause de sa disparition. Les hommes de l’époque ne savaient pas que la gourmandise est un vilain défaut».
L’animal découvert n’a pas encore de nom officiel mais les chercheurs appellent déjà cette poule le «Gallus Mabawa Mayottensis», un nom qui devra encore être validé par la Commission internationale de nomenclature zoologique.
RR
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