Il y a tout juste un an, l’inquiétude était grande dans le lagon. Avec une température de l’eau bien plus élevée que la normale, les récifs coralliens étaient en danger. Partout, le phénomène de blanchissement était à l’œuvre. En ce mois d’avril 2016, il s’agissait du 3e épisode de ce type à toucher des récifs déjà fragilisés par les phénomènes de 1998 et 2010. «Les récifs étaient en pleine reprise et on sait que la succession de réchauffements sur une période relativement courte, à l’échelle de vie des coraux, peut affecter la base des constructions coralliennes de manière alarmante», explique Jeanne Wagner, du Parc naturel marin de Mayotte.
Cette année, rien de tel. Alors que les pays de l’Est de l’océan Indien et en particulier l’Australie connaissent un nouvel épisode de blanchissement, Mayotte est préservée. Selon les observations satellitaires de l’Administration océanique et atmosphérique américaine (NOAA), les coraux de Mayotte sont dans une phase de «surveillance blanchissement» («Bleaching watch»), alors qu’à la même période de l’année dernière, le lagon était en «alerte blanchissement» (« Bleaching warning»).
Pour s’en rendre compte, on peut d’ailleurs consulter en direct la situation d’évaluation du stress thermique sur les coraux à Mayotte sur le site de la NOAA*.
Des sondes et des observations
Pour l’instant, il n’y a donc pas d’anomalie de température détectée ni prévue. «Cette année, on a des sondes qui relèvent les températures à des endroits stratégiques dans le lagon pour suivre l’évolution des températures en temps réel», précise Jeanne Wagner. De cette façon, une situation anormale peut conduire les équipes du PNM à observer un éventuel impact sur les coraux.
«Le suivi se base sur 2 méthodes: par satellite, avec des images sur lesquelles on peut voir des patchs blancs en cas de blanchissement. Mais les méthodes d’analyse de ces images ont des limites. Ensuite, nous faisons des ‘vérités terrain’ pour constater sur place si ce que l’on voit sur les photos est bien réel, si c’est un blanchissement ou de banc de sable par exemple».
Dans le lagon, les spécialistes peuvent aussi affiner l’analyse et définir le nombre de colonies blanchies et les espèces touchées. Pour autant, un blanchissement ne signifie pas forcément que le corail est mort. L’écosystème qui permet aux coraux de vivre peut ensuite se remettre en place et recolorer le corail, avec un retour de températures plus habituelles. Le suivi des phénomènes de blanchissement de 1998 et 2010 a ainsi permis de constater que cette recoloration s’était plutôt bien faite, même si la reconstruction des récifs prend du temps.
Loin du triste record de 1998
Concernant l’épisode de blanchissement de 2016, les équipes du PNM ont fait le bilan. Et il est un peu moins alarmant que prévu, la mortalité corallienne n’ayant pas atteint l’ampleur que craignaient les experts. L’impact est donc loin de celui subi entre avril et août 1998, qui reste le plus important jamais répertorié. A l’époque, les dégradations avaient été massives, allant jusqu’à 90% de mortalité corallienne localement.
En 2016, en fonction des zones, «l’impact du réchauffement reste très hétérogène», note le Parc marin. «Ainsi, les pentes internes du récif barrière semblent les plus touchées avec 60% de blanchissement contre 20% à 30% pour les pentes externes, le récif interne et les platiers coralliens autours des îlots. Le récif qui longe nos côtes semble être le plus résistant avec seulement 10 % de coraux blanchis.»
Entre 10% et 29% de mortalité
Quelques semaines après le pic du blanchissement, une partie des coraux blancs avait déjà repris ses couleurs. Mais d’autres, sont restés trop longtemps soumis au changement de température et ont fini par mourir. En juin dernier, le PNM estimaient qu’au total, entre 10 et 29% des colonies de corail étaient mortes. Les secteurs les plus touchés sont sensiblement les mêmes que ceux qui ont présenté les plus forts taux de blanchissement, essentiellement dans le sud-est de Grande Terre.
Il faut également savoir que la capacité des récifs à se régénérer (on parle de « résilience ») est très variable en fonction des espèces mais aujourd’hui, elle semble bel et bien à l’œuvre, d’autant que la saison chaude actuelle a moins affecté le lagon que d’habitude, et pas seulement du fait des températures. Si les pluies nous ont manqué sur les terres, les précipitations décalées dans le temps et moins intenses, ont limité l’érosion et le phénomène d’envasement, l’autre grand danger du corail. Mais plus que jamais, ce milieu naturel reste très fragile et sa préservation sur le long terme s’annonce comme un combat.
RR
www.jdm2021.alter6.com
*Le site de la NOAA : https://coralreefwatch.noaa.gov/vs/gauges/mayotte.php
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