C’est une affaire familiale pour le moins embrouillée que le tribunal de grande instance de Mamoudzou a jugé ce mercredi matin. Une jeune fille de 15 ans a porté plainte contre son père pour coups et blessures. Mineure, elle était représentée par sa mère. Visiblement très mal à l’aise ensuite lors de son audition, elle est revenue sur ses déclarations, conséquence sans doute d’une réconciliation postérieure aux faits. Mais impossible d’arrêter la machine judiciaire une fois qu’elle a été mise en route.
C’est une jeune fille timide et mal à l’aise que le tribunal a vu comparaître à la barre ce mercredi matin. Tortillant nerveusement ses doigts et remettant sans cesse son châle sur les cheveux, Mounia* est revenue sur les déclarations faites devant la police pour “coups et blessures”. Elle avait cependant affirmé au moment des faits, qui remontent à 2016, que son père l’avait “frappée à l’aide de feuilles de bananiers, puis de câbles électriques et obligée à marcher 10 minutes sur les genoux”.
Cette “correction abusive” faisait suite, selon les déclarations du père, à un comportement «déviant» de sa fille. Selon ses parents, elle fuguait sans cesse de la maison, ne rentrait que très tard dans la nuit alors qu’elle n’était âgée que de 14 ans, et aurait même passé plusieurs nuits dans la forêt. Mais, ce qui a mis le feu aux poudres, est sa liaison avec un jeune garçon, fortement désapprouvée par le père. Pour une raison qui demeure encore floue à l’heure actuelle, la jeune fille lui a affirmé s’être fait violer par ce garçon, avant d’avouer qu’elle avait menti. Cette déclaration a toutefois déclenché les foudres de son géniteur. Il a alors entrepris de la corriger sévèrement pour “laver son honneur”.
Le point d’équilibre
La cause de cette correction violente a fait bondir le juge Vivien qui a longuement entrepris d’expliquer au père qu’une victime de viol n’était en aucun cas responsable de son agression. Peine perdue, puisque l’homme a déclaré à plusieurs reprise qu’il s’agissait “d’une question d’honneur”. Toutefois, comme la jeune fille a finalement affirmé avoir menti à propos de ce viol, le juge a abandonné ses vaines tentatives d’explications pour se concentrer sur ce qui était reproché au père ce jour-là, à savoir les violences exercées sur sa fille.
A la barre, l’adolescente a de nouveau liés les faits. Mais ils avaient déjà été confirmés à la police par le père lui-même ainsi que la mère de la victime. Ils ont tous les deux réitéré leur témoignage à la barre, donnant aux faits un caractère indiscutable. Les parents ont alors expliqué à la justice qu’outre l’affaire du “faux viol”, cette correction faisait surtout suite au comportement très indiscipliné de leur fille.
70 heures de TIG
Lors de son réquisitoire, la procureure Prampart a précisé au père que la justice n’était pas en train de lui dire qu’il était “un mauvais père”. Elle a affirmé trouver légitime de se préoccuper de l’éducation de ses enfants, voire même de les corriger si cela s’avère nécessaire, mais qu’il “fallait trouver la juste mesure entre la correction légitime et la violence”.
Au vu des nombreux bleus mis en lumière par le certificat médical de Mounia, son père était en effet allé trop loin ce jour-là. N’ayant cependant jamais été condamné auparavant pour des faits de violence sur ses dix enfants, la procureure a considéré qu’il s’agissait d’un incident isolé et a donc proposé 70 heures de travail d’intérêt général.
Le juge Vivien a suivi les réquisitions, réexliquant que la volonté d’éducation était légitime, mais les méthodes maladroites et inadaptées. “Il y a des méthodes que l’on ne peut pas utiliser au sein de la République française”, a-t-il expliqué à ce père de famille nombreuse.
Nora Godeau
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*Les noms ont été modifiés
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