Les enjeux électoraux ne sont sans doute pas étrangers à la sortie aussi fracassante qu’inhabituelle du président du Conseil départemental. Soibahadine Ibrahim Ramadani a promis, chez nos confrères de Mayotte 1ère, de descendre dans la rue si nécessaire pour défendre les intérêts du département dans le cas où l’Etat ne tiendrait pas ses engagements financiers. Le bras de fer est engagé.
Dans l’hémicycle ce lundi, le président a fait preuve de davantage de retenue mais il a dressé aux élus départementaux un état des lieux sombre des finances de la collectivité. «La collectivité risque simplement de ne plus être en mesure de fonctionner», a-t-il affirmé sans détour.
«La préfecture a notifié au Conseil départemental les engagements budgétaires envisagés par l’Etat au titre de l’année 2017, au soutien des missions de la collectivité. Ce document présente en l’état pour le Département, un sérieux renoncement de la part de l’Etat».
Dans son viseur, les «10 engagements» de l’ancien Premier ministre Manuel Valls pour Mayotte et «un bon nombre d’autres sujets (qui) demeurent toujours sans réponse».
Les trois points chauds
Le président Ibrahim Ramadani choisit trois points, particulièrement sensibles, pour illustrer son propos. Tout d’abord, l’octroi de mer. «Si pour financer l’Aide sociale à l’enfance, l’Etat consent à débloquer 9,6 millions d’euros par an, dans le même temps, il ampute le Département de ces recettes prévues au titre de l’octroi de mer de 8 millions, sans aucune contrepartie», dénonce-t-il. La somme est effectivement reversée aux communes, selon les nouveaux mécanismes de répartition de cette taxe.
Ensuite, il dénonce une annulation de créances que le département attendait avec «la transition fiscale de 2014» et qui n’est pas effective. Les sommes en jeu sont très importantes: «14 millions pour l’impôt général sur les revenus et 18 millions pour l’impôt sur les sociétés». Selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, «la circulaire du préfet demande au Département d’inscrire ces sommes en dépense, alors que le gouvernement s’était engagé à les annuler».
Enfin, le président regrette l’absence d’évaluation de l’impact du financement du RSA sur son budget. Selon lui, «le Conseil départemental continue à supporter une dépense avoisinant 30 millions d’euros contre seulement 15 millions en recettes.»
La «mise en péril» des efforts consentis
Et le président ne s’en tient pas là: «D’autres sujets de préoccupation maintes fois relayés demeurent toujours à ce jour sans réponse». Il parle de «l’accompagnement du Département dans la mise en œuvre de sa compétence PMI, pour laquelle l’IGAS admet un manque à gagner évalué à 10 millions d’euros par an depuis 2009 (…), sujet hautement sensible au regard des difficultés réelles pointées par les professionnels». Il évoque enfin «la compensation des pertes financières dues à la transition fiscale, ayant engendrée depuis 2014 un manque à gagner net pour la collectivité de 16 millions d’euros par an».
Le président tape du poing sur la table car pour lui, le manque de constance de l’Etat «met aussi en péril tous les efforts consentis jusqu’à présent pour ramener à l’équilibre le budget du Conseil départemental et dégager pour Mayotte, une capacité d’investissement pour soutenir l’activité du territoire».
La crainte sur les investissements
«Ce sont des marges de manœuvre que nous n’avons plus», confirme Issa Issa-Abdou, le 4e vice-président en charge du social. «En matière de fonds européens, il faut avoir les reins solides. Il faut être en mesure d’apporter sa quote-part et financer les projets. C’est après que l’Europe nous rembourse. Si on ne peut pas avancer cet argent, c’est préjudiciable pour nos projets». Certains investissements ont tout de même été sécurisés, comme ceux concernant les PMI. Un tiers des 61 millions d’euros de compensation de l’Etat pour l’ASE a été fléché vers les PMI pour que les réalisations ne prennent pas de retard.
Mais pour beaucoup d’autres dossiers, il n’en va pas de même. Le président Ibrahim Ramadani a écrit à la ministre des Outre-mer Ericka Bareigts «pour solliciter, au lendemain des mesures exceptionnelles prises par le gouvernement au soutien de la Guyane, une réciprocité pour Mayotte». Il a également mobilisé les parlementaires mahorais pour faire réagir le gouvernement face à une «situation alarmante à tous égards» et pour «parvenir à une solution viable et pérenne pour le territoire».
RR
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