L’enquête menée par l’INSEE en partenariat avec le Comité départemental de Tourisme de Mayotte (CDTM) a permis de collecter les données tous les quatre jours à l’aéroport de Pamandzi auprès de 14.700 passagers, ce qui, en intégrant leurs familles et amis, touche environ 22.000 personnes, expose Jamel Mekkaoui, le directeur de l’antenne locale de l’INSEE.
Premier constat : la fréquentation touristique a été marquée en 2016 par deux éléments majeurs, souligne l’INSEE : « Le premier négatif, avec un climat social dégradé porté par l’image des coupeurs de route, les décasages qui ont amené une partie de la population à séjourner plusieurs semaines au pied du Comité du tourisme, avec une forte publicité à l’extérieur du territoire et sur les réseaux sociaux, et l’autre positif, avec l’arrivée en juin d’une liaison directe vers Paris. »
Conséquence, malgré la forte progression du trafic aérien, +6% de passagers, le nombre de touristes reste stable, « on peut même parler d’un encéphalogramme plat depuis 2014 ».
Les Mahorais et leurs familles jouent les touristes
Ceux qui ont craqué immédiatement pour la ligne directe sont les habitués, « elle reste utilisée majoritairement par des Mahorais, contrairement à Corsair qui transporte plutôt des touristes. » La ligne directe, remplie en moyenne à 93%, n’a donc pas permis d’attirer de nouveaux touristes.
La proportion des originaires de Mayotte parmi les touristes venus en vacances sur l’île est en croissance, 46% contre 40% l’année dernière, qu’on peut mettre en lien avec la ligne directe.
Cela renforce encore le type affinitaire de tourisme qui fréquente Mayotte : ils sont 6 sur 10 à venir pour visiter familles et amis, tandis que le tourisme d’agrément motivé par les eaux bleus du lagon, se stabilise, et que le tourisme d’affaires, rétrograde de 4% (contre -29% en 2015). Ils sont 40% à venir de La Réunion. « On peut donc dire que la saison touristique a été sauvé par les affinitaires et les originaires de l’île », résume Jamel Mekkaoui. « Comme d’habitude », serait-on tenté de répondre.
Le billet, principal poste de dépense
Heureusement que les hommes et femmes d’affaires fréquentent les hôtels, à 80%, car 17% des autres touristes, y séjournent.
Quand ils viennent, les touristes amortissent leur billet, « ils restent longtemps, 30 jours en moyenne », mais dépensent de moins en moins, « un million d’euros de moins que l’année dernière, soit 17 euros par personne et par jour ». L’enquête ne détaille pas les postes de dépenses. « Ils dépensent moins parce que relevant d’une catégorie socio-professionnelle moins élevée que les années précédentes », mais surtout parce que originaire de Mayotte, ils vivent au rythme de leur famille. « Mais on peut se demander aussi s’il existe une offre pour les inciter à dépenser ? », interroge l’économiste. Nous y reviendrons.
95% en redemandent
Ceux qui sont venus à Mayotte veulent quasiment tous y revenir, « à 95% ! » A les entendre, ce qui bloque, ce ne sont pas les déchets ou la délinquance, mais le rapport qualité-prix, « deux sur trois le jugent insatisfaisant. » Nous parlons encore une fois du prix du billet d’avion, mais aussi de l’hôtellerie, des prestataires touristiques, etc.
Le tourisme intérieur n’a pas encore été mesuré, alors qu’il serait intéressant de connaître les variables d’ajustement pour inciter les Mahorais qui voyagent et les originaires de l’île, à dépenser sur le territoire, en restaurant, brochettis. Le prix des produits alimentaires et leur impact sur les services est par exemple dénoncé par Michel Ahmed, le directeur du CDTM : « Un seul mot en réponse à ces problèmes de prix aériens ou dans les commerces : la concurrence. »
En tout cas, il peut désormais développer la vente de la destination en vantant le temps de trajet : quitter la grisaille de Roissy pour se retrouver 9h après, les pieds dans le lagon à siroter un jus de mangue, ce sera désormais possible jusqu’à 3 fois par semaine pendant les grandes vacances.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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