C’est un dispositif largement méconnu à Mayotte et pourtant 144.000 personnes vivent dans un «quartier prioritaire de la politique de la ville». Cela représente les deux tiers de la population, bien plus qu’en métropole (8%) ou que dans les autres DOM (20%).
La «Politique de la ville», c’est un dispositif destiné à améliorer la vie quotidienne des habitants des territoires cumulant le plus de difficultés. Dans le cadre de cette politique publique spécifique, l’État, les collectivités locales et leurs partenaires s’engagent à travers le «contrat de ville» dans les domaines de la cohésion sociale, du cadre de vie et du renouvellement urbain mais aussi de l’emploi et du développement économique.
Ces quartiers sont classés comme prioritaires car, globalement, leurs habitants souffrent d’un déficit de formation et ont des difficultés plus marquées pour s’insérer sur le marché du travail par rapport à la population du reste du territoire. Leurs conditions de logement sont également plus défavorables.
A Mayotte, les 36 quartiers concernés sont des villages qui l’Insee a analysé pour les classer dans 4 catégories.
Quartiers défavorisés : les deux extrêmes
Six quartiers, rassemblant 31.000 habitants, cumulent toutes les difficultés : Kawéni, Majicavo-Koropa, Longoni, Ongoujou, Kahani et Miréréni (Combani). C’est là que l’on trouve le plus d’habitat en tôles (56% des logements), des logements surpeuplés (9 sur 10), un accès à l’eau et à l’électricité compliqué, une formation et une insertion professionnelle des habitants la plus faible. Alors qu’ils sont en très forte expansion démographique, dans ces quartiers 45% des actifs se déclarent au chômage.
À l’inverse, dix quartiers «politique de la ville», tous situés sur la côte ouest de l’île, apparaissent moins défavorisés que l’ensemble de la géographie prioritaire. On y trouve 37.000 habitants, de Kani-Kéli à Mtsahara, en passant par Bouéni, Sada, Chiconi, Tsingoni, Chembenyoumba, Mysangamouji, Acoua, Mtsamboro.
Dans ces villages, l’habitat en tôle ne représente que 11% de l’ensemble des logements et l’insertion sur le marché du travail y est meilleure: 33% des 15-64 ans ont un emploi, contre 27% en moyenne dans les quartiers «politique de la ville». Ainsi, les habitants disposent de revenus plus stables leur permettant de vivre dans de meilleures conditions. Mais attention : la situation de ces quartiers reste néanmoins très éloignée des standards métropolitains.
Deux groupes de quartiers défavorisés intermédiaires
Entre ces deux extrêmes, on trouve deux groupes de quartiers. Dans le premier, il y a les territoires urbains qui ont un habitat précaire (41% de constructions en tôles) mais dont les habitants sont mieux insérés sur le marché du travail (31% occupent un emploi). Ce sont Mtsangadoua, Iloni, Bandrélé, la Vigie, Combani, Choungui, Mtsamoudou et l’ensemble formé par Cavani-Mtsapéré-Mgombani. Ils abritent 41.700 habitants.
Dans le 2e groupe intermédiaire, la population est plus éloignée des centres urbains et déconnectée du marché du travail, avec à peine un habitant sur cinq avec un emploi et souvent précaire (CDD, stage rémunéré) et des logements sous-équipés en confort sanitaire mais moins que dans le groupe précédent. Quatre sont situé au nord (Bandraboua, Dzoumogné, Bouyouni, Koungou) et 6 dans le sud (Tsararano, Ouangani, Barakani, Poroani-Miréréni, Chirongui, Nyambadao).
Zoom sur la Vigie
Parmi tous ces quartiers, l’Insee a choisi de faire un focus sur le quartier de la Vigie, en Petite Terre, à cheval sur les deux communes de Labattoir et Pamandzi. Il rassemble 5.200 habitants soit 22% des habitants de Petite-Terre. Comparé au reste du territoire petit-terrien, les conditions d’habitat y sont plus défavorables: 57% des habitants résident dans une maison en tôle, contre 37% ailleurs sur Petite-Terre. Ils sont moins nombreux à disposer d’un point d’eau à l’intérieur de leur logement (69% contre 79%). Ils sont également un peu moins souvent en emploi (34% contre 39%).
Si le quartier complet est dans une situation difficile, la partie du côté de Dzaoudzi est nettement plus défavorisée que celle du côté de Pamandzi en termes de conditions d’habitat.
Démontrer l’efficacité d’une politique
Une fois encore, l’Insee met donc sur la table beaucoup de données pour éclairer les autorités dans les choix et les politiques qu’elles sont amenées à mettre en œuvre. «Ce qui est intéressant avec cette étude, c’est que nous disposons d’un ‘état 0’ des conditions de vie dans ces quartiers, issu des données du recensement de 2012. Avec les données du recensement des prochains mois, nous allons pouvoir regarder comment ces différents quartiers ont évolué et comment les politiques publiques ont permis d’améliorer les conditions de vie», explique Djamel Mekkaoui de l’Insee Mayotte.
L’enjeu de la politique de la ville est en effet de dynamiser ces quartiers fragiles et de renforcer l’égalité des chances entre les territoires. Si son efficacité en métropole n’est plus à prouver, elle reste encore une inconnue à Mayotte que le prochain recensement de la population permettra probablement d’éclairer.
RR
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