La plupart du public intéressé par la Conférence sur l’islam à Mayotte opta pour « L’éducation, la transmission du savoir : l’école coranique », en témoignait un hémicycle Younoussa Bamana plein à craquer, ou pour « La place de l’islam dans la République et à Mayotte » au SMIAM. Le JDM a préféré suivre les échanges qui se tenaient à la mairie de Mamoudzou sur le thème « La place de l’islam dans la République et à Mayotte ». Un intitulé qui traduisait déjà une spécificité, « Mayotte étant un territoire de la République », comme le relevait un intervenant tout de boubou vêtu.
Deux symboles concrets allaient illustrer les deux thématiques, le financement des lieux de culte, qui permettait d’aborder la loi 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, et le châle-kishali de la députée Ramlati Ali, qui débouchait sur la réalité de la laïcité.
Une foules d’éléments ont été évoqués, tous plus passionnants les uns que les autres, et pour lesquels il faut souligner une première chose : la qualité des interventions, mesurées, sans passion religieuse, avec un objectif en ligne de mire : « Proposer aux élus une orientation pour gérer la problématique de la religion à Mayotte, et entre autre, le financement des lieux de cultes », annonçait Allaoui Anskandari, qui présidait la table ronde.
« Plus de 40.000 églises financées par des fonds publics »
Le financement des lieux de culte, « sujet complexe dans une République laïque », était abordé dans ses failles par son contributeur Charif Saïd Adinani : « Malgré la loi de séparation des Eglises et de l’Etat, sur les 46.000 églises de France, 40.307 sont encore la propriété des communes, donc entretenues par des fonds publics, et en Guyane, le clergé est toujours entretenu par l’Etat. »
Le texte référent en matière de règlement cultuel à Mayotte est la circulaire interministérielle du 25 août 2011 qui précise qu’ « en l’absence d’un texte introduisant explicitement la loi du 9 décembre 1905 à Mayotte, le droit des cultes à Mayotte est resté régi par les dispositions du décret du 16 janvier 1939 », dit « décret Mandel ». La loi de séparation des Eglises et de l’Etat n’est donc pas applicable, mais le décret Mandel précise que les missions religieuses pourront, pour les représenter dans les actes de la vie civile, créer des conseils d’administration.
Les pèlerins de La Mecque financés par le Département
Est ce en raison de l’intitulé « missions religieuses », « Appellation coloniale », critiquée par Allaoui Askandari ? En tout cas, si les catholiques ont obtempéré à Mayotte, les musulmans n’ont toujours pas adopté de conseil d’administration. En résulte un flou sur la propriété des mosquées, « de généreux donateurs financent, chacun apporte sa compétence, et au final, elles appartiennent à la communauté villageoise. Mais, difficile de demander des subventions pour l’entretien sans identification d’un propriétaire, et sans compter que les normes de construction s’imposent à nous », soulevait Saïd Kambi, DGS de la mairie de Sada.
Autre question, les mosquées ou les associations gérant des manifestations cultuelles, peuvent-elles demander des subventions ? « Ce n’est pas possible pour des associations loi 1901 qui ne peuvent pas recevoir des subventions ayant un objet cultuel », indique Allaoui Askandari, complété par une intervention dans la salle, « sauf si elles relèvent d’un intérêt général. » La question du financement par le conseil départemental des pèlerins partant à La Mecque se pose donc.
Inssa de N’guizijou Mdahoma, appelait à ne pas importer des problèmes métropolitains, « nous avons toujours financé nos mosquées en autonomie ».
Une Commission inter-religieuse
En conclusion de cette thématique Allaoui Askandari appelait les Mahorais à prendre les choses en main, « le développement passe par une initiative personnelle. Posons nous les vraies questions, faut-il adopter ou non la loi de 1905 ? Doit-on se doter de conseils d’administration pour notamment rénover les madrassas et les moquées ? » Dans la salle, fusait une critique sur la réflexion du président du département Soibahadine Ibrahim Ramadani quand il était sénateur, « Mayotte n’est pas une île peuplée de Mahorais mais une île mahoraise », en rectifiant « c’est comme si on disait ‘la France est un pays chrétien’, on ne pourra évoluer qu’en créant une Commission Inter-religieuse à Mayotte ».
Où en est-on à Mayotte de la laïcité ? C’est le mot « ambiguité » qui revenait le plus dans la bouche du 2ème contributeur Inssa de N’guizijou Mdahoma. A-t-on des chefs religieux salariés du Département ? Et un voile sur la tête d’une députée ? Ou se méprend-on sur cet affichage ? C’est cette 2ème version qu’il retiendra, « les cadis interviennent en médiation sociale, et les maîtres coraniques dans les écoles en dehors des heures d’enseignement, mais on continue à les assimiler à leurs fonctions religieuses ».
Quant au châle de Ramalti qui alimente les réseaux sociaux métropolitain, il y a débat : « C’est un vêtement coutumier », pour Inssa de N’guizijou Mdahoma, quand pour un citoyen dans la salle, « notre députée représente la nation, le peuple, elle n’a pas pour vocation à représenter un territoire particulier. C’est dommage, car cela rajoute à l’image biaisée de Mayotte qu’ont les métropolitains. »
Conseils d’administration pour l’islam, commission inter-religieuse… autant de piste pour structurer l’islam de Mayotte. Nous reviendrons sur les autres contributions.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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