Après des débats fructueux autour de la relation entre les institutions et la religion à Mayotte, où il ressortait que le territoire ne dépend pas de la loi 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat, c’est dans un silence attentif que la salle écoutait Larbi Becheri.
L’universitaire ramenait le débat à une double question : « Comment la République peut-elle intégrer l’islam et comment l’islam peut s’adapter à la République ? » Tout en rappelant que les relations entre l’islam et la République « ont toujours été conflictuelles jusqu’à la constitution de l’Etat-nation », il mettait en garde, « il ne faut pas dire que l’islam n’est pas compatible, il faut se demander si les musulmans sont ou non compatibles. Quel islam vous comptez porter pour être intégrable ? Si vous comptez garder l’islam du temps du Prophète, vous ne serez pas intégrables. C’est le grand défi pour les musulmans. »
Les musulmans divisés
Alors que la France, « fille aînée de l’Eglise », a fait évoluer en son sein sa religion « historique », la problématique qui se pose à islam est la même bien des années après, en plus compliqué. « Accepter de vivre dans un pays laïc est un grand changement pour les musulmans, qui ne se pose pas en Arabie Saoudite.”
La difficulté pour l’islam, c’est que « le droit pénal dans le droit musulman s’adresse à une autorité qui croit, or là, nous avons un Etat qui ne croit pas. Mais le droit musulman a une grande capacité à s’adapter. » Et avec une chance, celle de ne pas vivre “dans un pays où les tendances minoritaires de l’islam sont persécutées.”
Autre problème, et les chrétiens sont eux aussi passés par là, « nous somme divisés. Lorsqu’un maire veut prendre une décision, il aura autant d’avis contraires que d’interlocuteurs. Nos faiblesses, ne les rejetons pas sur les autres. Commencez par emmagasiner des connaissances. »
« Le voile n’est pas un signe religieux »
Larbi Becheri n’exclut pas pour autant un effort à faire de la part de l’Etat français, « lorsque le chirurgien veut greffer un organe, il doit travailler sur l’organe et sur le corps pour sa compatibilité. La République doit examiner jusqu’où elle peut aller, mais cela devient compliqué dès que la politique s’en mêle. Ma fille avait un bandeau que le principal trouvait trop large. Parce qu’elle est d’origine musulmane, on suppose que c’est un signe ostentatoire même quand ce n’est pas le cas. D’autre part, le voile n’a rien d’un signe religieux. »
La solution passera par « un dialogue sincère, sans arrière-pensée, sans idéologie, il faut seulement apprendre à se connaître ».
Ce qui se fait à Mayotte, et que l’idée d’une commission inter-religieuse pourrait assurer en relais, quitte à le transplanter ensuite en métropole.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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