Depuis le 19 juin dernier, Ramlati Ali a accédé au poste tant convoité de députée de la première circonscription de Mayotte. Mais très vite, son élection a été remise en cause par l’équipe de son adversaire Elad Chakrina. Après plusieurs prises de positions publiques manifestant son désir de contester l’élection, Elad Charkina a annoncé que sa requête déposée devant le Conseil Constitutionnel avait été jugée recevable. Sa demande sera donc examinée sous peu. Mais la députée ne compte pas se laisser faire.
Ce jeudi, la députée de Mayotte affirmait « avoir examinée méticuleusement la requête » de son ancien adversaire. Et c’est sans surprise qu’elle a découvert le contenu du précieux document : «Il s’agit certes d’une requête très virulente concernant mon équipe, mon nom est notamment cité, mais cela ne m’étonne pas. Tout au long de la campagne, mon adversaire n’a cessé de porter certaines accusations à mon égard. Et j’ai retrouvé cela dans la requête, même si celles-ci sont infondées et que j’ai déjà eu l’occasion de répondre sur les différents médias de Mayotte».
La requête point par point
Parmi ces accusations, on trouve des images qui ne laisseraient pas de place au doute quant au déroulement insincère du scrutin. Ainsi, Julien Aleman, membre de l’équipe de l’avocat, confie au JDM : «Nous avons des vidéos et des photos où des gens distribuent des bulletins à des personnes manifestement illettrées, avant qu’elles n’entrent dans le bureau de vote».
Elad Chakrina a confirmé l’existence de ces vidéos tout en minimisant leur impact en tant que preuves concrètes. «Personne ne peut être clairement identifié dessus. Elles sont prises de loin et ne peuvent être utilisées clairement contre le camp de Ramlati Ali», a-t-il expliqué. Selon la députée, l’existence de ces images est pourtant mentionnée dans le rapport.
Des soupçons contre un gendarme
Il serait également question de l’enquête préliminaire, lancée à l’initiative de la section de recherche de la gendarmerie de Mayotte, contre un major de gendarmerie de la brigade de Mtsamboro. Elle pourrait être directement liée à certaines irrégularités observées lors du vote du second tour. Dans ce dossier, très peu d’éléments ont été rendus publics et aucune communication n’a été faite de la part du procureur de la République.
Pour l’équipe d’Elad Chakrina, s’il y a eu des irrégularités, elles ont été opérées en faveur de l’ex-candidate. Les auteurs de la requête affirment qu’«un grand nombre des procurations, notamment utilisées lors du scrutin dans la commune de Bandradoua, apparaissent éminemment suspectes. Elles ont en effet toutes été enregistrées par le même gendarme dans des délais extrêmement brefs pour la plupart les 9 et 16 juin, certaines signatures de mandants se ressemblant d’ailleurs étrangement.»
Chakrina pourtant en tête à Bandraboua
Pour Ramlati Ali, encore une fois, il s’agit de suspicions infondées qu’elle prend avec détachement. Selon elle, ces irrégularités pourraient même plutôt desservir le camp d’Elad Chakrina: «A Bandradoua, il faut se poser les bonnes questions. Au premier tour, je l’avais battu. Mais il se trouve qu’au second tour, c’est lui qui m’a battu ! Moi, je suis restée pratiquement au même nombre de voix ou un peu plus. Donc s’il y a eu du vol comme certains membres de son équipe le prétendent, qui l’a fait?»
Afin d’expliquer les multiples procurations signées par le même gendarme, elle s’appuie sur son expérience de médecin. «Sur la quarantaine de procurations, oui c’est un officier de la gendarmerie qui était de permanence. Moi j’ai travaillé à l’hôpital et il y a des jours où il n’y avait que moi comme médecin. Alors il m’est arrivé de signer de nombreuses ordonnances, c’est tout».
Doutes et amalgames
Ramlati Ali relève aussi des éléments destinés à ternir son image et à jeter le doute. «Il m’attaque notamment sur mes comptes de campagnes de 2012», note-t-elle. Effectivement, la page 2 du document rappelle qu’elle a été «déclarée inéligible pour une durée d’un an pour irrégularité de ses comptes de campagne par décision du Conseil constitutionnel du 22 mars 2013…»
Cette fois, la députée élue s’offusque : «En 2012, les choses ne s’étaient pas du tout passées comme ce qu’il ressort du rapport d’Elad Chakrina et ce n’est pas la première fois qu’il détourne cette affaire ainsi. Déjà, au moment de nos différents débats médiatisés, il avait notamment pris cette affaire pour justifier que je ne pourrai être acceptée au sein d’En Marche! à cause de cette condamnation. Mais il n’explique pas les choses et les sort de leur contexte. Aujourd’hui, j’ai bien été intégrée à LREM! C’est une manière de faire qui me déçoit venant d’un avocat».
Une volonté de se recentrer sur l’essentiel
Malgré ses mauvais bruits qui arrivent de Mayotte, la nouvelle députée a bien pris ses fonctions et compte se recentrer sur son travail, «car il y a beaucoup de choses à faire». Celle qui dit «ne pas vouloir perdre de temps» s’est d’ores-et-déjà attelée à plusieurs missions. «J’ai été impliquée dans le conflit de la Colas. J’ai eu une étroite collaboration avec Salim Nahouda la semaine dernière et j’ai demandé aux autorités étatiques de statuer sur la question. Cela s’est passé jeudi de la semaine dernière. Force est de constater que le conflit a pris fin et c’est vers ce type de déblocage que j’aimerai avancer dans le futur».
Et parce que de nombreux points concernant Mayotte méritent d’être soulevés directement auprès du gouvernement, la députée a priorisé ses objectifs. Elle a décidé de faire de l’éducation son premier combat avec le passage du vice-rectorat à un rectorat de plein exercice dans le viseur. «Mardi prochain, j’ai rendez-vous avec le ministre de l’éducation car je reste persuadée que le développement de Mayotte passe par la formation et la recherche. C’est pour cela il faut que Mayotte possède un vrai rectorat et non pas un vice-rectorat au rabais. Tant que je serais là, je continuerai à travailler dans ce sens car tout passe par l’éducation ».
C’est donc d’une main de fer dans un gant de velours qu’elle souhaite «balayer les accusations» contre l’équipe Chakrina pour enfin se consacrer à ce qu’elle considère comme l’essentiel: son début de mandat.
LA
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