Cela fait quelques jours que les files d’attente s’allongent toujours plus aux abords des stations-services de Mayotte. À toute heure de la journée et du soir, les stations Total sont saturées. Chirongui, Pamandzi, Kawéni, Hauts-Vallons, Longoni… la plupart des lieux de distribution de carburant connaît des blocages, avec parfois quelques violences. Vendredi 11 août aux alentours de 19h, certains automobilistes ont attendu plus d’une heure à la station de Tsoundzou II pour finalement se rendre compte que les pompes étaient vides. Même constat à la station située à proximité du centre commercial de Jumbo Score.
Si les files d’attente sont fréquemment bien plus longues au paiement en liquide qu’en carte bleue, les bornes de distribution automatique sont désormais prises d’assaut, souvent sans succès. Les agents de Total ont décidé de bloquer par tous les moyens le bon fonctionnement du réseau du pétrolier. Ainsi, tantôt c’est l’approvisionnement qui fait défaut, tantôt s’agit-il de la distribution. Ce mouvement qui a pris sa source lors de revendications insatisfaites exposées début d’août pourrait perdurer encore quelques jours.
Face à cette situation, la préfecture a réagi à travers deux arrêtés. Le premier porte sur une priorisation de l’approvisionnement en carburant dans certaines stations et de certains véhicules. Les services de santé et de sécurité bénéficieront d’une plage horaire réservée aux stations de Pamandzi, Chirongui et Majicavo. Le second arrêté proscrit ponctuellement le stockage de carburant dans les bidons et jerrycans pour des raisons de sécurité… mais aussi pour éviter que ne se reproduisent les scènes de longues files de bidons accompagnées de grandes tensions entre les piétons et les automobilistes que nous avons connu lors de précédentes pénuries.
Des grévistes remontés à bloc
La tension est à son comble pour le syndicat FO. Abdallah Inoussa Ali, le délégué syndical FO, a beaucoup d’éléments à reprocher à la direction de Total. «On est prêts à tout. Que ce soit bloquer l’approvisionnement ou la distribution, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout pour que nos voix soient enfin entendus», dit-il sans détour.
Depuis le début du mouvement, ils sont une trentaine d’agents avoir décidé de débrayer. Il s’agit d’une faible proportion compte tenu du nombre total d’employés de la firme, mais ils font pourtant bien des dégâts. La CGT s’étant désolidarisée du mouvement, le syndicat FO est pourtant le seul à soutenir le conflit.
Un conflit à son paroxysme
Si les grévistes en sont arrivés à bloquer les stations, c’est parce qu’ils considèrent «que depuis plusieurs semaines, la direction fait la sourde oreille». Ils affirment que depuis début août, plusieurs tentatives de négociations ont échoué pour cause de mauvaise foi des dirigeants de Total, notamment de sa DRH.
Vendredi 4 août, une première réunion s’était déroulée sous tension. Après 4 heures de discussions, aucun compris n’avait été trouvé. Ainsi, dans un communiqué datant du lundi 7, FO appelait les salariés de l’entreprise à débrayer car «la direction n’a donné aucune satisfaction parmi toutes les revendications». Un blocage symbolique de 4h avait donc été prévu. Vendredi, les grévistes sont passés à l’action et ont grandement paralysé l’île. Le blocage est prévu jusqu’à ce dimanche à 18h, mais la grève est reconductible.
Un monopole qui dérange
Du côté de l’entreprise, c’est l’incompréhension qui règne. L’ampleur des actions menées par les syndicalistes inquiètent les cadres de l’entreprise qui ne comprennent pas comment un unique syndicat minoritaire peut se permettre «d’empêcher les salariés non-grévistes de travailler» à travers des «blocages forcés», notamment à la station de Majicavo. La direction leur reproche de «bloquer tout une île alors que Total est le seul distributeur sur les lieux».
Pourtant, certains salariés de Total, qui bénéficient tout de même d’avantages sociaux d’un certain niveau pour Mayotte (13e mois, formations trimestrielles, prime d’intéressement revalorisée il y a 5 mois de cela) se sentent délaissés et déconsidérés. Le groupe considère qu’aux vus des avantages déjà accordés et des négociations qui reprendront lors d’une réunion prévue le 17 août prochain, il n’y a pas lieu de bloquer l’île entière. Pour FO, c’est bien la force du groupe Total qui dérange et particulièrement sa situation de monopole depuis 15 ans à Mayotte qui lui permet d’«amasser les billets sans jamais penser aux salariés».
La Préfecture appelle «au civisme» afin que la panique ne gagne pas l’ensemble de la population, alors que chacun semble vouloir faire le plein. Pour ce week-end, la préfecture affirme que certaines stations sont proches de la rupture de gazole et/ou essence alors que les stocks prévus auraient suffi dans le cadre d’une distribution classique.
Ludivine Ali
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