Ali Mohamed aime son île et il s’investit sans compter, à son échelle, pour qu’elle se débarrasse de quelques-uns de ses nombreux problèmes. Son terrain d’action privilégié, c’est toute la zone qui entoure son village de Mtsamoudou, dans le sud, et donc la réserve de Saziley.
«Là-bas, il fallait vraiment changer les choses. Il y avait beaucoup de braconnage de tortues, c’était terrible», se rappelle-t-il. Le sujet lui tient à cœur : Ali est garde nature, depuis plus de 25 ans.
Ce n’est pourtant plus à Saziley qu’il exerce son métier et depuis longtemps. «Au début, les gardes nature étaient à Saziley. Et puis on a exercé notre droit de retrait pour obtenir des équipements pour la sécurité ou de l’eau potable. Personne n’a réagi. Alors, on est parti ailleurs». Pourtant, à Saziley, le braconnage ne s’est pas arrêté. Alors, c’est avec son association qu’il a décidé d’agir. «On fait de la surveillance, on reste parfois toute la nuit et le braconnage est terminé à Saziley. La dernière fois qu’on a trouvé trois tortues attachées sur la grande plage, c’était fin 2016. Maintenant, c’est plutôt du côté de la première plage qu’on trouve parfois quelques carapaces, mais bien moins qu’avant.»
Son association s’appelle ASVM, association pour la sécurité des villageois de Mtsamoudou. Elle compte aujourd’hui une soixantaine de membres. «On est nombreux, c’est pour ça que les braconniers ne viennent plus. Ils savent maintenant qu’on peut agir. Quand on en a vu, on les a attrapés et puis on les a remis à la gendarmerie. Maintenant, c’est fini !»
Agir pour la sécurité et l’environnement
Cette force de frappe, l’association ne l’a pas mis qu’au service de la préservation des tortues mais de l’environnement au sens large. Durant le mois de juillet par exemple, ses membres ont nettoyé le village. Méthodiquement, jour après jour, ils sont passés dans toutes les rues, ils ont longé les côtes, arpenté les chemins de randonnées. D’avis d’observateur attentif, jamais l’endroit n’avait été aussi propre !
Ils sensibilisent aussi les cultivateurs pour mettre un terme aux brûlis qui sont interdits. «On leur a expliqué qu’il faut que ça s’arrête parce que ça détruit la forêt. Et les gens commencent à comprendre», explique Ali Mohamed. Il a réussi à faire passer son message après avoir noué un rapport de confiance avec les cultivateurs, car l’association a aussi changé la donne sur le terrain de la délinquance.
«Avant, on leur volait les bananes, les mangues… tout ! Maintenant, il n’y a plus de voleurs. Ils peuvent vendre leurs fruits et leurs légumes. Alors, ils nous disent merci!» L’association a chassé ceux qui avaient transformé ce petit paradis en zone de non-droit.
«Il y avait des jeunes violents. Ils volaient et ils se cachaient pour agresser les gens, les touristes. Comme pour les braconniers, on en a attrapé quelques-uns et on les remis à la gendarmerie. Maintenant, ils savent qu’on les connaît. Quand on les voit, ils ne restent plus. Aujourd’hui, c’est tranquille. Tu peux venir, même tout seul, pour marcher, pour camper, il n’y a plus de problème».
Des gardes nature toujours absents de Saziley
L’action de l’association a aussi permis que les kwassas qui arrivent des Comores n’accostent plus dans la zone. «Ils vont ailleurs maintenant. Ils savent qu’il y a une association qui veille».
Si Ali Mohamed agit à Saziley avec son association, il ne comprend pas pourquoi il ne peut pas retourner travailler dans cet endroit qu’il aime tant. «Il n’y a plus de gardes nature à Saziley. Pour moi, ce n’est pas normal. Maintenant que l’endroit est sécurisé, tous les gardes sont prêts à y retourner. Mais on nous dit non. Je ne sais pas pourquoi. En tout cas, maintenant, à Saziley, tout est normal et avec l’association, on va continuer à se mobiliser pour que ça reste comme ça !»
Dernière satisfaction en date pour Ali, l’arrivée de Sea Shepherd à Mayotte. «On est très contents parce qu’ils sont là pour nous aider. On a besoin de matériel et de savoir comment faire certaines choses. Maintenant, on apprend à travailler avec eux parce qu’il faut que Mayotte change. Notre lagon, c’est un trésor connu dans le monde entier. Si on ne fait rien, on est foutus !»
PM
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