Obligations contractuelles non respectées, absence de rapports annuels, de plans d’investissements, surcoût dans l’acquisition d’équipements, dégradations des infrastructures : voilà un florilège du rapport de la Chambre régionale sur le port de Longoni. Tout au long de 29 pages qui prennent la forme d’un réquisitoire, les magistrats financiers étrillent la gestion erratique du Département et de la société délégataire de la mission de service public, Mayotte Channel Gateway (MCG). Les conflits se multiplient entre les deux parties devant le tribunal administratif ou de grande instance. Si cela a pour conséquence de paralyser le développement du port, ces litiges ont aussi un coût: 54.000 euros et 90.000 euros de frais d’avocat pour 2015 et 2016 pour le Département.
Cette situation est d’autant plus dommageable qu’il s’agit «d’une infrastructure indispensable à la vie quotidienne de Mayotte», souligne la CRC. Car l’économie mahoraise reste ultra-dépendante des importations.
Les magistrats ne le disent pas aussi directement mais cette gestion erratique est aussi une insulte à l’avenir : «Le port pourrait devenir une plate-forme régionale pour le transport maritime grâce à sa position géographique et au niveau de ses infrastructures». Autant dire qu’il n’y a pour l’instant aucune chance qu’il puisse devenir un point de transbordements de containers dans la région, comme cela devrait être sa vocation, en raison de sa position dans le canal du Mozambique. Quant aux bateaux de croisière, ils semblent éviter les lieux alors que ce secteur connaît une belle expansion au niveau mondial.
Une désinvolture partagée
Pour la CRC, le premier sujet qui fâche est que le Département n’a pris aucune mesure (investissements ou études), et effectué des travaux urgents, pour remettre en état le premier quai du port, le plus ancien qui ne répond plus aux normes en vigueur. Si bien que la société MCG dénonce «un vice caché» dans la délégation de service public.
La même désinvolture de la collectivité se retrouve dans les engagements financiers et le plan pluriannuel d’investissements qui reste particulièrement trouble. Même malaise à la lecture du rapport au sujet de la gouvernance : le conseil portuaire ne s’est pas réuni pendant trois ans entre 2010 et 2013 et pas une seule fois en 2015. Ce qui met en danger «la viabilité» de l’infrastructure, pointe la CRC.
Des obligations non respectées
Il faut dire que les désaccords sont aussi nombreux que violents entre le Département et la société Mayotte Channel Gateway. Les deux parties ne sont d’accord sur rien. À commencer par la responsabilité des travaux sur les infrastructures ou les activités de manutention. Le Département considère que la manutention ne fait pas partie du champ de la délégation. Mais Mayotte Channel Gateway veut l’exercer pour rentabiliser l’acquisition d’équipements onéreux, résume la CRC.
«Certaines obligations contractuelles ne sont pas respectées par les parties, déplorent encore les magistrats. Le Département n’a pas organisé le bilan d’ouverture de la délégation ; il n’a pas transféré la trésorerie correspondante au délégataire. Ce dernier n’a transmis ni rapports annuels, ni comptes conformes à la réglementation, ni plan d’investissement. Le nouveau plan de développement stratégique n’a pas été présenté au département».
Une viabilité économique fragilisée
La situation des comptes d’exploitation n’est guère plus reluisante. Les magistrats soulignent que le délégataire est soumis à des charges non prévues : la formule de calcul de la redevance moins favorable que celle prévue initialement, le coût d’équipements plus élevé que projeté ou une durée de remboursement des emprunts plus courte qu’envisagée. Le résultat est que Mayotte Channel Gateway a obtenu une hausse des tarifs portuaire. La société comme le département s’en sortent plutôt bien. Mais «il en résulte une augmentation des coûts pour les usagers», avec des tarifs largement plus élevés qu’à La Réunion.
La CRC conclut que ce «fonctionnement dégradé du port fragilise la viabilité économique du projet ambitieux de faire un port une plate-forme du transport maritime». Tentant de se transformer en «casques bleus» dans ce conflit sans fin entre le Département et la Mayotte Channel Gateway, les magistrats financiers prônent «la voie d’une médiation» pour sortir des défaillances et des manques de responsabilité des deux parties.
PM, Le JDM
avec le JIR.
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