Juin 2016. Les comptes de la compagnie mahoraise EWA, filiale d’Air Austral, accusent un trou de presque 60 000€. Un mois plus tard, la comptable de la compagnie est placée en garde à vue, et poursuivie pour escroquerie. Selon les éléments d’enquête, l’arnaque présumée se serait déroulée sur plusieurs tableaux. Dans un premier temps, l’employée était chargée de déposer sur le compte de la compagnie, des fonds en numéraire. Un total de 41 enveloppes contenant 15 857€ devait être déposé à la BFC.
Mais les enveloppes mises à la boîte n’étaient pas datées, et ne contenaient pas l’argent déclaré dessus. Jusque là, les soupçons auraient pu se porter sur un employé de banque indélicat, mais d’autres éléments ont confondu celle qui travaillait au plus haut sommet de la société aéronautique. Des achats, à hauteur de plusieurs milliers d’euros, ont été effectués en ligne avec la carte bancaire de l’entreprise. Des portes, des meubles, autant de colis retrouvés au domicile de la suspecte. Une maison d’ailleurs refaite à neuf, selon les constatations des enquêteurs. 5480€ ont également été retirés au distributeur avec la carte bleue de la compagnie.
La réparation de sa voiture, une ford fiesta, également payée avec la carte bleue d’EWA.
Plus grave encore, l’enquête a mis au jour des dizaines de dossiers de remboursement fictifs chapeautés par la prévenue. Selon l’accusation, elle aurait monté des dossiers de remboursement de billets d’avion pour le compte de proches à elle, exigeant d’eux qu’ils retirent l’argent dès qu’ils recevaient le virement, pour le lui remettre. Entendus en qualité de témoins, ces proches ont été jugés “instrumentalisés par madame” et n’ont pas fait l’objet de poursuites.
Le mari de la prévenue était en revanche poursuivi pour recel. S’il ne gérait pas les comptes du foyer, il “ne pouvait ignorer” selon le tribunal, l’origine douteuse des milliers d’euros engloutis par les réparations de la voiture, et l’aménagement de leur maison.
Une liaison avec le patron ?
Pour l’avocat de la partie civile Me Morel, c’est “une affaire douloureuse, dans une petite compagnie où on se connaît et où on se fait confiance”.
L’avocat de la défense quant à lui estime que l’affaire n’est “pas si simple”. Il évoque l’ancienne comptable que remplaçait la prévenue, qui aurait selon lui pu vouloir se venger en commandant les meubles au domicile de sa remplaçante. Il évoque surtout, sur la base des déclarations de sa cliente en garde à vue, une relation qu’aurait entretenue celle-ci avec le PDG de la compagnie, Ayub Ingar.
Selon elle, l’argent retiré était au bénéfice de ce dernier, qui lui reversait “en cadeau” 500€. Un chèque de 500€ a en effet été signé par M. Ingar au bénéfice de la prévenue, mais c’était selon lui “un prêt”. Un prêt qui pouvait s’expliquer par les affirmations de l’employée à la compagnie, selon lesquelles son époux avait eu un grave accident, et était dans le coma. Des allégations que ledit mari a démenties lors de son audition.
Les poursuites auraient-elles commencé, comme le pense la défense, lorsque la comptable a exprimé le souhait de “ne plus tromper son mari” ? “M. Ingar la couvrait jusqu’à ce qu’elle décide que leur relation cessait, il a alors porté l’affaire devant la gendarmerie” accuse l’avocat Me Ibrahim. Ou cette version des faits n’est-elle qu’une façon de semer le doute parmi les trois magistrats ?
En tout cas, les bénéfices qu’elle a tirés de ces détournements de fonds méritent selon le procureur 18 mois de prison, dont 6 mois avec sursis, et le remboursement des sommes perdues par EWA. Son époux encourt quant à lui 6 mois avec sursis et 3000€ d’amende.
Malheureusement, la principale concernée n’a pu s’exprimer à son propre procès. Enceinte, elle se trouve en métropole pour des soins médicaux. Le tribunal rendra son jugement le 20 septembre prochain.
Yohann Deleu
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