Chaque arbre coupé, c’est un peu plus d’eau qui s’évapore. Pas étonnant que la pénurie gagne. Il était donc urgent en 2012 que le conseil d’administration de l’ONF décide d’implanter une agence à Mayotte. Laurent Mercy a donc « défriché » le terrain, un « mauvais » jeu de mot que tentait en souriant Sylvain Leonard, Directeur régional de l’ONF, en référence à la lutte contre les brûlis et défrichage intempestifs que son collègue a mené.
S’il a été choisi, c’est qu’il en avait le talent. Cet ingénieur botaniste a alterné les postes en métropole et en Outremer, en ayant participé notamment à la création de trois réserves naturelles, dont une marine, à La Réunion. « Vous avez accumulé l’expérience, exerçant tous les métiers de la foresterie », soulignera Pierre Papadopoulos, le Secrétaire général aux Affaires régionales (SGAR) de la préfecture, un ex-ONF lui aussi.
Son fait d’arme, c’est la réalisation des 10 plans d’aménagement forestier, « ils seront terminés début 2018 ». Cette évaluation exhaustive de toutes les forêts de l’île va permettre de cibler les sauvegardes à opérer, et définir les enjeux de la forêt ou de la mangrove, en allouant à chacun des objectifs spécifiques, de production, de tourisme ou de protection des risques naturels. Qu’il faudra ensuite chiffrer. « La prise en charge se fera par l’ONF pour les forêts domaniales, et par le conseil départemental pour les forêt départementales ». Ils pourront compter sur les fonds FEADER, « qui ont déjà financé le travail de restauration écologique de reboisement des espèces indigènes ».
Chouchouter la retenue collinaire de Dzoumogné
Ils devront participer à renforcer le contrôle des brûlis qui abîment chaque jour un peu plus la forêt, qui avait été amélioré par la convention tripartite que Laurent Mercy avait signé avec le conseil départemental et la Direction de l’alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt.
Laurent Mercy se réjouit du projet de création par les ministres Hulot et Girardin de la réserve naturelle de 3.000 hectares dont l’ONF a conduit l’étude, pour laquelle le conseil départemental doit délibérer. Elle permet de bénéficier de fonds nationaux pour entamer une restauration biologique.
Une autre opération est en cours : « Face au problème de squats et de destruction sur ses parcelles, nous avons proposé au conseil départemental de faire bénéficier du régime forestier 1.200 hectares sur leur 4.500. Ils continueront à en assurer la gestion, et nous, le contrôle, avec des financements supplémentaires ». Il s’agit de la zone en tension du bassin versant de la retenue collinaire de Dzoumogné.
Des randos moins risquées qu’une balade à Marseille
Laurent Mercy a été, avec son fils, moteur de l’opération de reboisement des padzas avec des espèces indigènes par mycorhisation, une première mondiale que le JDM avait relayée, et l’ONF boucle l’étude commandée par le conseil départemental de redéfinition des sentiers de randonnée.
Sur ce sujet, il tient à rassurer : « Nos agents n’ont jamais été victimes d’agression. Selon la gendarmerie, il y en a eu 10 en une année, sur 200 kms de sentiers, ce qui n’est pas énorme. C’est moins risqué qu’à Marseille. Je ne comprends pas pourquoi les gens ne viennent pas dans ce département si riche d’atouts et qui a conservé son milieu naturel. »
En partant, il a « la même impression qu’au départ » : « Un défrichement catastrophique de l’ensemble du massif forestier. Si la biodiversité ne parle pas à la population, la préservation des sols pour la ressource en eau, désormais, si. La crise de l’eau est liée à un déboisement intempestif, qui prive d’ombre les rivières, provoquant leur évaporation, et empêche toute infiltration en favorisant l’érosion. »
Deux décorations pour services rendus
« Les choses se mettent en place, pas à la hauteur de la menace, mais on part de loin », commente-t-il. Celle qui lui succède n’est pas une inconnue, puisqu’il s’agit de Jeannette Lartigue, l’actuelle responsable du service forestier départemental, « c’est une chance extraordinaire pour l’ONF ».
Avant de partir à le retraite dans les Alpes maritimes, Laurent Mercy aura tenu à mettre en valeur deux de ses collaborateurs. Soulaimana Issouffou, Chargé des Affaires forestières, « mon compagnon de départ lors de la création de l’agence », a ainsi été décoré par Pierre Papadopoulos, de la médaille de Chevalier de l’Ordre national du mérite agricole. Et Jean-Luc Leclerc, qui gère entre autre la forêt de Combani, « spécialiste des champignons, de la faune et la flore », pour avoir été la « cheville ouvrière de l’étude des chemins de randonné et en a parcouru les 200 kms », recevra également la médaille de Chevalier de l’Ordre national du mérite agricole.
« Des médailles qui ne sont rien par rapport à ce cadeau de remerciement », déclaraient ses collègues en lui remettant, outre un chombo, un tableau en bois laqué des différents massifs forestiers de l’île. En espérant que leur périmètre sur place n’évoluent pas dans le mauvais sens.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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