Les Mahorais étaient 23.000 à peupler les deux îles de Petite et Grande Terre en 1960. Nous étions 212.000 en 2012. Un rythme de croissance qui a mis en péril les sécurités alimentaire et sanitaire, et qui a incité les communes à se structurer en 1992 en un Syndicat des Eaux et d’Assainissement de Mayotte (Sieam).
Sur la première compétence du Sieam, l’eau potable, le bilan est plutôt positif, avec 68% d’habitants ayant accès à un compteur, « mais avec beaucoup de branchements sauvages. La consommation par compteur est de 120m3 en métropole, contre 200m3 à Mayotte ». On compte donc quand même 32% non connectés à un compteur d’eau potable. Les habitants sont 6% à utiliser les bornes fontaine.
Les capacités de réserve des deux retenues collinaires de Dzoumogné et de Combani sont au total de 3,6m3, « sollicitées uniquement quand on ne peut plus puiser dans les captages, notamment les 14 en rivière ». La production d’eau est également assurée par 21 forages sous terrains, 2 systèmes de drainage, 2 forages d’eau brute, un puits de pompage d’eau de mer et 5 unités de traitement des eaux.
La carte parle d’elle-même : le sud est démuni de système de production, « on transfère donc l’eau du nord vers le sud ».
Les yeux vers le ciel
Cette diversification des ressources en eau se résume malgré tout en 3 chiffres : « 80% proviennent des eaux superficielles, 17% des forages et 3% de la dessalinisation ». Nous sommes donc très dépendant de la pluviométrie. La retenue collinaire la plus prolifique dans ce domaine est celle de Combani, à l’inverse de Dzoumogné quasiment vide en 2011, et « aujourd’hui très basse, nous comptons sur les pluies annoncées en décembre ». Le taux de remplissage actuel est de 40% pour la retenue de Combani et de 15% pour celle de Dzoumogné.
Face à l’évolution de la consommation « préoccupante » de 10% sur l’année 2016, « heureusement moins importante en 2017 », et les « usines vieillissantes qui fonctionnent pendant prés de 24h », on comprend que la production fonctionne à flux tendue, « les stockages sont insuffisants, les réservoirs devant se remplir prés de 6 fois par jour ». On comprend que la moindre panne provoque des coupures en série. Un investissement sur le renouvellement du matériel dont ne pourra s’exonérer le Sieam.
Une situation qui a débouché sur les tours d’eau du 16 décembre 2016 au 7 avril 2017que l’on espère ne plus connaître.
Régime sans sel
Michel Jousset proposait un point sur le Plan urgence eau. Le dessalement, coûteux, apparaît comme inévitable aux politiques, « une ressource inépuisable puisque entourant l’île, l’eau de mer sera puisée par l’usine de dessalement en quadruplant sa capacité, pour atteindre 5.300 m3 par jour, et alimenter Petite Terre en totalité, avec expédition de l’excédent vers Grande Terre en 2018 ». Un investissement de 9 millions d’euros.
Le timing d’un projet de récupération d’eau par distillation sur la centrale EDM de Longoni, « pas avant 3 ou 4 ans », induit une préférence vers l’émergence sans doute plus rapide d’une 2ème usine de dessalement dans le sud de l’île.
L’Arlésienne retenue collinaire de l’Ourovéni de 3,5m3 semble toujours remis à un horizon lointain, « pour 2021 », pour un coût de 32 millions d’euros.
La 6ème campagne de forages est en cours, « ils seront 10 à être productifs en 2020. » La problématique reste celle de la pollution de la ressource, « avec notamment la poursuite du lavage en rivière ».
La moitié des eaux usées dans la nature
En matière d’assainissement collectif, 2ème compétence du Sieam, ses grosses infrastructures représentent 76% de l’assainissement du territoire. La station d’épuration (STEP) de Mamoudzou (Babobab) draine 40.000 équivalents habitants, les autres sont celles de Dembéni, où très peu d’habitants sont raccordés, et ses petites sœurs de Dzoumogné et Bandrélé. Il y a 160 mini STEP sur l’île.
En cours, l’assainissement des communes de Sada, Ouangani et Chiconi, pour un montant de 18 millions d’euros.
A Mayotte, 46% des habitations ne sont raccordées à aucun assainissement, les eaux usées partent donc dans la nature. Elles ne sont que 19% à bénéficier d’assainissement collectif, les 35% autres sont sur fosses sceptiques. « Nous avons prévu de faire monter la STEP du Baobab à 60.000 équivalents habitants dans quelques années. »
La difficulté majeure est donc le raccordement. Un coût que ne peut prendre en charge la majorité des ménages, une campagne d’aides publiques pourrait être mise en place. « Egalement, les filtres plantés de végétaux, financièrement supportables par les petites collectivités ».
Autre problème transversal, celui de la gestion des boues issues de l’assainissement, « un coût élevé de stockage à l’ISDND de Dzoumogné ». Elles pourraient être valorisées.
Des eaux pluviales sous-utilisées
Les gros projets en matière d’eau potable en 2018 portent sur la réalisation de 10 forages pour 5 millions d’euros, le renforcement du quartier de La Vigie en Petite Terre pour 7,5 millions d’euros, l’acquisition foncière de la 3ème retenue collinaire pour 6 millions d’euros et la réalisation du réservoir du sud pour 5 millions d’euros.
En matière d’assainissement, il s’agit de l’implanter sur la commune de Koungou avec une première tranche d’implantation d’une STEP et des réseaux pour 17 millions d’euros, ainsi qu’une 2ème STEP sur Mamoudzou, au sud cette fois, pour 15 millions d’euros, idem à Bouéni qui aura ses 2 STEP, pour 22 millions d’euros.
Une remarque de Rito Morel, représentant de l’interco CASUD de La Réunion : « Vous économiseriez beaucoup en dissociant les eaux pluviales des eaux usées dans votre assainissement. D’autre part, ce qui coute cher, c’est d’abreuver les animaux avec de l’eau potable ! » Avec en objectif, la récupération des eaux de pluies pour l’utilisation agricole, comme le font les trop rares retenues rurales.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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