Pour preuve de la considération portée au métier d’agriculteur, à la question « Wawé ou fagna hazi ? » (Avez vous un travail ?), la réponse n’est positive que dans le cas d’un fonctionnaire ou d’un salarié du secteur privé. « A Mayotte, les petits commerçants occasionnels ou les agriculteurs ne seraient pas des gens qui ‘fagna hazi’ », remarque l’étude.
La raison, il faut la chercher dans le côté peu structuré de l’agriculture, où les employés sont souvent rétribués en produits agricole ou selon le système de musada, d’échanges de service. Et pourtant, à travers ces multiples mini-exploitations, « le secteur agricole occupe plus d’un tiers de la population active, procurant une autosuffisance alimentaire à 80% des habitants en fruits et légumes », et garantissant ainsi une « stabilité sociale ». Quasiment un revenu de solidarité pour personnes actives…
Difficile de se faire une idée actualisée, le dernier recensement agricole date de 2010 à Mayotte. Depuis celui de 2003, le nombre de travailleurs agricoles à temps plein a chuté de 20.000 à 15.000.
Tout l’automne à creuser des sillons
Seulement 58% des chefs d’exploitation déclarent leur activité agricole comme principale, et 90% des actifs appartiennent au « ménage agricole », propriétaire de l’exploitation, seulement 10% sont donc de la main d’œuvre issue de l’extérieur, soit 10.000 personnes (Recensement 2003). Certains sont rétribués selon la musada mahoraise, mais une majorité est payée au noir. La revue Autrepart citait en 2007 un agriculteur : « Si je veux faire défricher mon champ, et que je n’ai pas le temps, soit je paye quelqu’un, soit je fais une musada. Mais je ne pourrai pas payer un Mahorais, il le prendrait comme une insulte ».
Deux étudiantes en école d’agronomie avaient réalisé en 2014 une étude segmentant la population agricole en 6 catégories. Le bulletin de la DAAF en rapporte 3, significatives de la réalité.
Le ménage agricole classique, producteur de fruits et légumes sur 3 à 6 ha, et élevant une moyenne de 2 zébus et 3 caprins, employant une main d’œuvre saisonnière aux conditions décrites plus haut. « Leur production est autoconsommée à 80% ».
Deuxième catégorie, les actifs ayant un autre emploi, « le ménage double-mixte », qui produit sur 1 à 2,5 ha, « son autoconsommation est de 60% ». Et enfin, l’agriculteur sans papier, employé, et rétribué en octroi de mini parcelles de terrain. Il produit le plus souvent des tomates qui seront « vendues au bazardières de bord de route ».
Intuitivement, on peut comprendre qu’avec une telle organisation, les agriculteurs ne roulent pas sur l’or à Mayotte. Le ménage agricole classique comme l’agriculteur sans papier, gagnent entre 7.000 et 8.000 euros par an par actif. « Seuls les ménages double-actif atteignent le SMIG mahorais, avec 13.500 euros net par an en 2013 », mais grâce à leurs revenus extérieurs et aux aides sociales.
La DAAF appelle à relativiser : « Ce revenu peut paraitre faible au regard du SMIG mahorais, mais, sans vouloir trop comparer car les systèmes d’exploitation sont fondamentalement différents, il ne faut pas oublier qu’en métropole un agriculteur sur deux a gagné en 2016 moins de 354 €/mois (soit 4.250 €/an). »
Comparé aux salaires dans le privé ou l’administration, et à la pénibilité de la tâche, il y a fort à parier, et la DAAF s’y risque, que la plupart des agriculteurs seront en « pluriactifs ». Le « jardin mahorais », « modèle vertueux agro-écologique », donc, mais qu’il faut rendre productif.
Pour faire place aux jeunes, il va falloir « solutionner le problème de l’attribution du foncier, agrandir la surface moyenne par exploitation, tout en les professionnalisant afin que la valeur ajoutée nette par hectare soit plus importante. »
A.P-L.
Lejournaldemayotte.com
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