Une belle enquête n’a pu être jugée ce mercredi en raison de “dysfonctionnements” soulevés par les magistrats et avocats. Elle sera jugée le 17 janvier prochain.
Tout part d’une intervention de la gendarmerie maritime en août 2015. Alertés par un écho radar qui signale un possible kwassa au large de Mayotte, les gendarmes partent en mer. Au moment de lever l’ancre, ils remarquent un homme au téléphone dans sa voiture non loin du ponton. Quelques minutes plus tard, le bateau est averti que l’écho radar “a fait demi-tour”. Le kwassa n’est donc pas interpellé. Soupçonneux, les gendarmes décident alors de contrôler l’individu dans sa voiture. L’exploitation de son téléphone ouvre la voie à une enquête plus large.
Confiée à un juge d’instruction, l’enquête se poursuit jusqu’en mars 2016. A cette date, deux réseaux distincts sont démantelés, impliquant des dizaines de personnes, dont certaines étaient à cheval sur les deux réseaux concurrents. Parmi les personnes arrêtées, un chef de réseau présumé détenait pas moins de 24 lignes téléphoniques à son nom. Au moins une dizaine de contacts n’ont pu être identifiés. Pour le ministère public, il y avait là une “organisation” avec des pilotes, des guetteurs et des chefs qui chapeautaient tout ce petit monde. L’un d’eux a affirmé avoir 10 salariés sous ses ordres. Plus des transporteurs qui faisaient la navette à l’arrivée à Mayotte.
Des dysfonctionnements empêchent le procès
Selon l’enquête, 34 traversées en kwassa ont été recensées entre août 2015 et mars 2016. L’instruction a aussi permis d’établir des tarifs de traversées, variables selon les déclarations. Généralement 2000€ pour une personne malade, 1000€ pour un passager en bonne santé. Le pilote encaissait 200€ par traversée de 6 à 8 passagers. Rien s’il était pris.
Pour Fatih Rahmani, avocat de deux des prévenus, “le dossier n’est gros que parce qu’il implique plein de personnes”. Pour lui, “ce n’est pas vraiment un réseau à proprement parler, c’est plus de la débrouillardise”. La défense aura en effet tout intérêt à contester la notion de bande organisée qui fait encourir à chaque mis en cause une peine allant jusqu’à 10 ans ferme.
Reste que cette affaire, que Me Rahmani était prêt à plaider, n’a pu être traitée ce jour. D’abord car il s’agissait pour les magistrats d’une “audience relais” destinée à fixer une date d’audience à proprement parler. Ni le président, ni le procureur, n’avaient donc préparé le dossier en profondeur. Restait à savoir si les prévenus détenus resteraient à Majicavo jusqu’en janvier. Le procureur évoquant un “réseau” de personnes ayant “fait leur métier” du “trafic d’êtres humains” a requis le maintien en détention provisoire en raison d’un “risque de fuite”. Les avocats ont argué de la présence des familles à Mayotte pour garantir que leurs clients ne quitteraient pas le département.
Mais le président a réalisé qu’il avait été Juge des libertés et de la détention (JLD) pour plusieurs des 9 prévenus, dont 6 sont en détention provisoire depuis près de 18 mois. Cette implication dans le dossier lui interdit de rendre un quelconque jugement, ce qui nécessite un autre président d’audience. “Nous sommes désolés pour ce dysfonctionnement” a glissé le président expliquant que “la côte des compatibilités n’était pas à jour”.
Le maintien ou non en détention des prévenus, et les termes du contrôle judiciaire des 3 autres sont confiés à une autre composition de magistrats.
Une série de rebondissements qui a causé l’hilarité nerveuse de plusieurs proches des prévenus venus les soutenir en nombre.
Y.D.
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