Tout d’abord, et c’est aussi un signe, tous les Conseils économique, social et environnemental de France terminent leurs mandatures de 6 ans le 31 décembre 2017, « c’est la première fois qu’il y a un alignement des dates », explique Abdou Dahalani qui préside celui de Mayotte. Problème : le gouvernement avait « oublié » les territoires d’Outre-mer, et les circulaires fixant les modalités de renouvellement émises le 27 septembre en métropole, l’ont été le 13 décembre pour l’Outre-mer… En conséquence les préfets n’ont pas pu prendre les arrêtés validant les instances représentatives. Le CESE de Mayotte ne devrait être opérationnel qu’en février. Une Motion OM CESER de France a été émise par l’ensemble des CESE ultramarins.
Pour resituer les actions de cette assemblée composée de représentants sociaux (patronat, syndicats, associations), on se souviendra que ce sont eux qui ont provoqué la rencontre avec les présidents de l’ARS le mois dernier, qui avait permis d’appréhender le fossé de prise en charge sanitaire entre La Réunion et Mayotte. Ils avaient également émis une synthèse complète sur l’état de « l’Ecole de la République » à Mayotte.
Fort de ces écrits, le CESEM a reçu commande du conseil départemental d’une étude de mise en place d’une solide coopération régionale (Synthèse_Rapport CESEM_Coopération décentralisée_Novembre 2017 VD). Elle était présentée ce mercredi matin à ses membres pour avis, lors de la dernière séance de la mandature. Il tire parti des causes des premiers échecs de gestion des fonds européens et s’inspire fortement de la méthode d’organisation mise en place dans d’autres départements. On peut déduire que la coopération doit reposer sur 3 principes : la compétence de ses acteurs, une facilitation de financement et la communication de son utilité.
Courtoisie et art de la rhétorique
Car si l’utilité de fonds européens est perceptible du grand public, celle de la coopération régionale l’est moins, et ceci en raison du saupoudrage qui a toujours prévalu, et selon le CESEM, du manque d’information ou de l’inexpérience des acteurs locaux qui ont conduit à des « actions parfois stériles », ou à encourager « une certaine forme d’assistanat très loin du principe d’actions gagnant-gagnant tant souhaité ».
C’est donc un cadre méthodologique qui est proposé et qui passe avant tout par une bonne organisation locale. C’est à dire un personnel technique sélectionné sur des critères bien précis, parmi lesquels « la confidentialité, la courtoisie, la concision, l’art de la rhétorique », des élus formés, la création d’une instance partenariale de type AGILE (gestion des projets européens à La Réunion) qui rassemblerait tous les acteurs qui travaillent en coopération régionale, « comme la CMA ou la CCI », une stratégie territoriale d’attractivité du territoire, une stratégie de communication à l’endroit des potentiels porteurs de projets, des dispositifs spécifiques financés par le conseil départemental pour le développement à l’international, etc.
L’exemple pourrait venir ou partir comme on veut, d’une collaboration avec La Réunion, « département depuis 1946, qui a l’expérience d’un travail avec l’Etat, relève Abdou Dahalani, avec la nomination d’un Délégué interministériel à l’action de l’Etat à Mayotte placé auprès du 1er ministre ».
Suspension de l’instruction des titres de séjour en préfecture
Par exemple, le conseil départemental pourrait envisager la promotion de produits tels que l’ananas sous un seul label « Ananas de l’océan Indien ». Ou dans le domaine de la pêche avec la récente autorisation d’extension des flottilles de pêche, « Mayotte pourra envisager avec les Iles Eparses des actions en vue de promouvoir la pêche hauturière ».
Tout ceci n’est réalisable que sous condition de diplomatie internationale apaisée. Mais elle doit malgré tout passer selon le CESEM, par la circulation des détenteurs de titres de séjour sur l’ensemble du territoire national, qui propose une mesure de « suspension momentanée de l’instruction des titres de séjour à la préfecture de Mayotte tout en mettant en place un point avancé, « un hot spot », de guichet d’instruction des titres de séjour, sur le territoire des Comores. « ça va sûrement faire polémique », anticipe le président du CESEM.
Faire la pub de Mayotte française
Pour échanger, il faut clarifier la situation statutaire du territoire, « Mayotte-française n’est pas assez diffusé ».
Deux conditions sine qua non d’une coopération réussie : l’adaptation des normes sanitaires, techniques ou juridiques aux réalités géographique de la zone, mais aussi aux exigences européennes que nous devons respecter, et secondo, la facilitation de l’octroi de visas pour les habitants des pays voisins. On l’a vu dernièrement où des personnels médicaux malgaches n’ont pu venir au Séminaire de l’ARS OI sur le paludisme faute de visas. « Quand on demande un visa d’affaire ou de tourisme, ils sont vus comme une incitation à l’arrivée de clandestins », se lamente le vice-président du Comité de Tourisme.
En conclusion, c’est un accompagnement fort des services de l’Etat que préconise le Conseil économique, « en amont des initiatives du conseil départemental ».
Ainsi, la coopération décentralisée visera à « apporter ‘un plus’ au partenaire en face, ou combler les lacunes de part et d’autre, ou encore renforcer les liens d’amitié existants dans le but d’une entraide réciproque ».
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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