Jeudi 04 janvier 2018, le port de Longoni ne donne aucun signe apparent de conflit social, seul un peloton de la gendarmerie est là pour nous rappeler que la grève est toujours active, qu’elle a débuté l’année dernière le 23 octobre 2017 et que le combat est encore vivace. Les 7 gendarmes sont discrètement stationnés aux abords du stop qui engage vers les bureaux de MCG, leur présence n’est pas anodine, ils veillent à la bonne circulation de tous les véhicules motorisés, le port n’est toujours pas à l’abri de blocages routiers…
« C’est le soixante-quatorzième jour de grève depuis le début du mouvement le 23 octobre dernier » assènent en cœur les quatre grévistes que l’on retrouve à quelques centaines de mètres du port déjeunant et discutant de la lutte à venir, parmi eux Attoumani Mari Ben Atchou délégué CGT MCG et régisseur comptable de la boite. Le 02 janvier 2018 une opération escargot a été menée sur la voie reliant Longoni à Mamoudzou, le cortège a été reçu par le sous-préfet afin d’établir un calendrier urgent qui réunisse les deux parties et espérer un accord de fin de conflit. Vendredi 05 janvier 2018 doivent être réunis tous les acteurs de MCG, salariés grévistes et direction, la CGTMA, la DIECCTE ainsi que de hauts responsables de la préfecture. C’est un peu la réunion de la dernière chance… Moussa Nourdine, salarié gréviste et comptable chez MCG, rappelle que cette grève n’est pas inédite ou exclusive, elle fait suite à d’autres mouvements précédents. « Mars, mai, juin et là depuis octobre […] C’est le quatrième mouvement social cette année, » lance Attoumani Mari Ben Atchou. Les revendications demeurent identiques, le combat n’a pas changé, selon Moussa Nourdine il n’y a aucune évolution positive ni aucune volonté du côté de MCG de respecter les protocoles pourtant signés et actés par les deux parties en présence de la DIECCTE notamment.
« Toutes les grèves qu’on a faites sont issues de la même chose »
Les enjeux restent immuables, les résolutions ne changent pas, les protocoles s’enchainent mais ne sont pas respectés selon les grévistes. La DIECCTE ferait des rappels à la direction mise en cause mais Ida Nel serait inflexible sur le fait qu’un protocole n’est finalement pas une décision de justice. « Pour elle ça n’a pas de valeur », affirme le comptable gréviste. « Ce qui donne foi pour elle c’est une décision de justice » continue-t-il. La DIECCTE n’ayant pas de pouvoir de justice, MCG n’aurait pas d’obligations légales de respecter les accords signés.
La préfecture serait témoin de tous les documents apportés par les plaignants et qui devraient obliger la direction à se conformer aux revendications salariales des grévistes mais le statu quo persiste. Depuis le 1er novembre 2013, date transitoire des salariés passants de la CCI à MCG, pas de nouveaux contrats écrits stipulant clairement la fonction de chacun, et toujours pas d’organigramme clair avec un effectif précis. Les grévistes expliquent que cette situation les empêche d’évoluer positivement au sein de Mayotte Channel Gateway, les « ex CCI » n’ont pas l’impression d’avoir leur place dans l’entreprise, par exemple la convention nationale qui est censé les protéger pour une assurance retraite n’est pas respectée. Selon le contrat de la DSP (délégation de service public) cette procédure administrative relevant du Code du travail aurait dû être parachevée depuis le 31 avril 2014, soit six mois après le transfert des salariés de la CCI à MCG en 2013.
« Toutes les propositions que nous avons mises sur la table ont été balayées par les grévistes »
Ida Nel n’assistera pas à la réunion du vendredi 5 décembre à la préfecture mais Jacques Martial Henry, chargé de mission à MCG, que nous joindrons plus tard au téléphone remet en cause le suivi de certaines réunions. « Il y a eu au total huit réunions pour sortir de la grève, MCG n’a jamais été absent » insiste-t-il.
L’entreprise portuaire s’est pourtant pliée à l’initiative du préfet à une réunion de conciliation chapeautée par le directeur de la DIECCTE en personne, elle s’est également rapprochée de bonne foi auprès de la 1re vice-présidente du conseil départemental Fatima Souffou en vue d’une reprise du travail des grévistes mais à aucun moment la direction de MCG n’a obtenu un quelconque rapport ou compte rendu de ces deux séances qui normalement auraient dû être décisifs pour une harmonisation des deux parties. Le chargé de mission insiste bien sur le fait que toutes les propositions avancées par sa direction « ont été balayées par les grévistes » selon ses propres mots. La seule nouveauté qui émane de cet imbroglio administratif n’est pas réjouissante : des procédures de licenciement déclenchées à l’encontre de tous les salariés grévistes ayant chacun reçu une convocation individuelle.
Finalement le seul point qui accorde les deux parties est que le bout du tunnel ne sera accessible que par voie judiciaire. Cette ultime réunion est apparemment celle de trop pour MCG puisque Ida Nel avait déjà signalé son absence par courrier à la DIECCTE, Jacques Martial Henry souligne l’évidence de cette issue au vu des textes sur lesquels s’appuient les salariés revendicatifs. « Les grévistes mettent en avant leurs avantages en se basant sur une interprétation textuelle des lois, et c’est la justice qui interprète les textes » conclut le chargé de mission de MCG. Quant aux grévistes, leur état d’esprit est pessimiste eu égard aux négociations. Ils focalisent désormais leurs espoirs dans la justice du tribunal du travail.
N.M.
Comments are closed.