L’indicateur du climat des affaires, c’est un peu la boule d’une madame Irma de l’économie, ou la grenouille d’un météorologue : il est annonciateur d’éclaircies ou d’horizons assombris en fonction d’une multitude de données. Heureusement, elles sont moins ésotériques, les chefs d’entreprises sondés ayant généralement la tête sur les épaules, et un cerveau à l’intérieur.
Chaque trimestre, ils sont invités par l’Institut d’Émission des Départements d’Outre-mer (IEDOM), filiale à 100% de la Banque de France, chargé d’assurer sa continuité territoriale en matière de création monétaire notamment. Des chefs d’entreprises qui évoquent leurs perspectives, mais sans subjectivité, « leur avis se base sur plusieurs indicateurs comme leur trésorerie, le cahier des commandes, leurs charges, etc. », explique Daoulab Ali Charif, chargé d’études économiques à l’IEDOM Mayotte.
Et l’indicateur du 3ème trimestre 2017 fait un bond spectaculaire de 12 points par rapport au 2ème trimestre, « du jamais vu ! », s’exclame-t-il, en nuançant quelque peu, « il faut prendre cet indicateur avec prudence, car il peut refléter la remontée d’une activité qui reste toutefois en négatif ».
Les incertitudes du Code du travail
La tendance est d’autant plus spectaculaire qu’elle tranche : « ces dernières années ont été très moroses. Ce qui est encourageant, c’est qu’elle se base sur une activité globale qui s’est nettement améliorée, qui retrouve un niveau stable. Et les anticipations des chefs d’entreprise sont positives ».
Néanmoins, malgré cette évolution favorable de la conjoncture, le contexte social et l’application du Code du travail de droit commun prévu en début d’année 2018 demeurent des sources d’incertitude pour les chefs d’entreprise, indique le bulletin de l’IEDOM (lien)
L’autre donnée encourageante, c’est l’impression d’une économie qui n’est plus atone :
« La consommation des ménages s’accélère, comme en atteste la croissance importante des importations totales et des crédits à la consommation », et la demande d’emploi repart à la hausse. On attend de savoir quel impact tout cela aura sur l’offre d’emploi.
On pourrait penser que ce positivisme est un écho à la croissance nationale de 1,9% en 2017, chiffre révélé il y a 2 jours, Mayotte n’étant pas une bulle isolée. Mais on remarquera aussi que l’activité économique est favorable dans la région.
Toujours plus de voitures…
Elle continue de « progresser à un rythme élevé en Afrique du Sud » avec une croissance du PIB (richesse d’un pays) de 2% au 3ème trimestre 2017, on note une croissance de la fréquentation touristique aux Seychelles, une croissance économique portée par les bons résultats du commerce extérieur à Madagascar, idem à Maurice où elle se redresse, et aux Comores où « l’activité économique est bien orientée, avec une hausse de 6,1% de l’encours de crédit à l’économie à fin juin 2017 par rapport à fin mars ».
Le dynamisme de l’économie se traduit par un accroissement des importations, de produits courants et de biens d’équipement, sur ce trimestre mais aussi sur les 12 derniers mois, prenant prés de 20% pour les premiers et plus de 50% pour les seconds, en annuel. Sans doute boosté par les prêts pour les crédits à la consommation, +19% sur un an. Le nombre d’immatriculations de véhicules neufs s’accroit de nouveau, +7,8% en annuel. Le nombre d’interdits bancaires s’accroit sur le trimestre, mais pas sur un an, et le nombre de retrait de cartes bancaires est en fort recul par rapport à l’année précédente, -25%.
Stabilité du tourisme
C’est le secteur du commerce qui bénéficie surtout de la volonté d’investir des chefs d’entreprise, grâce à une « consommation dynamique », et bien qu’ils déplorent « des charges trop élevées et des problèmes de trésorerie récurrents ». Les investissements devraient rester stables dans le secteur des services.
L’activité dans le secteur du BTP est perçue comme favorable au 3ème trimestre et les anticipations pour le trimestre à venir se maintiennent à la hausse. « Malgré des problèmes de trésorerie et d’allongement des délais de paiement et la persistance de mouvements sociaux, les répondants à l’enquête estiment que leur courant d’affaires devrait s’améliorer dans son ensemble. Ainsi, leur volonté d’investir se maintient. Cette bonne orientation de la conjoncture dans le secteur précède toutefois à l’application du nouveau code du travail qui sera effectif en début d’année, source d’inquiétude et d’incertitude pour les chefs d’entreprise. »
Le secteur du tourisme reste stable ce trimestre si l’on retire les effets de saisonnalité dus aux vacances scolaires. Les indicateurs continuent leur progression en glissement annuel : +3,7 % du nombre de vols et +13,2 % du nombre total de passagers.
Un bulletin qui tranche avec les précédents où il fallait chercher les bonnes nouvelles dans les interlignes. Et qui doit nous réjouir si et seulement si, ces investissements débouchent sur des créations d’emplois, et des effets de levier de croissance sur d’autres secteurs.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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