Avant que le président Sarkozy ne monte l’enveloppe de dotation à 10 millions d’euros par an, ce sont 5 petits millions d’euros que se partageaient les communes de Mayotte. Qui s’alarmaient en voyant gonfler leurs listes d’inscription sous le double effet de la démographie et de la pression migratoire. Le syndicat SNUipp qui estimait le besoin à 600 salles de classe, était monté au créneau face à François Hollande arrivé à Mayotte en candidat, qui s’engageait sur la construction de 500 salles durant son quinquennat.
Si la promesse n’avait pas été tenue, sa 2ème ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, doublera l’enveloppe en octobre 2016, à 20 millions d’euros. « Le souhait de la ministre Annick Girardin est de pérenniser ce montant », confirme le sous-préfet. Qui résume donc, « on part de loin ! », étant donné le nombre encore important d’écoles toujours en « rotation », deux classes d’élèves se partageant la même salle.
En terme de bilan, depuis 2014, 650 salles de classe ont été programmées pour être rénovées, et 250 pour être créées. Il faut bien entendu prendre en compte les délais et la somme de départ. Si les rénovations se font en une année, les créations sont plus longues, « de deux à trois ans. Les travaux démarré en 2015 n’aboutiront qu’en 2018 », et à partir de l’enveloppe minimaliste de l’époque.
Ce qui explique que les réalisations concrètes de rénovations soient significativement plus élevées, 300, puisque utilisant les enveloppes récentes, que les constructions, qui ne se montent qu’à 70 à la fin 2017. Avec 20 millions d’euros, les ambitions ont été revues à la hausse, « nous comptons atteindre les 259 créations en 2020 », en cumulé.
Le copinage ou la survie
Mais l’enveloppe ne fait pas tout, avertit Dominique Fossat, « nous commençons à atteindre les limites en terme de réalisations, en raison de problème de foncier, et surtout de capacités limitées à mobiliser les investissements. » Car si l’Etat subventionne, les communes restent maître d’ouvrage, « nous leur proposons une assistance par la DEAL », qu’elles acceptent ou pas. Ce que nous décrypte Saïd Omar Oili, président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM).
« Pour ma construction de l’école T17, et bien qu’il y ait eu une malfaçon sur le réfectoire sous maitrise de la DEAL, j’ai choisi une seule entreprise renommée, qui a ensuite sous-traité. Bien sûr, je n’ai plus la main pour filer des petits jobs aux copains, aux soutiens politiques. Les maires qui continuent à fonctionner comme ça se retrouvent avec des entreprises qui mettent la clef sous la porte, laissant des travaux inachevés », explique celui qui est aussi président de l’interco de Petite Terre. Une manière de fonctionner qui nuit à la commune, « nous avons une obligation de résultat ».
Et pour y arriver, il externalise, « pour l’entretien de l’éclairage public ou des photocopieurs », ou il crée ses services propres dotés de matériel technique, « comme pour déboucher les toilettes des écoles, ou curer les caniveaux, du coup, nous n’avons eu aucune inondation malgré les fortes pluies. Je veux un service public qui fonctionne, et au prix de licenciement d’agents incompétents au besoin. » Une gestion qui n’est pas compatible avec une vision qui ne serait que politique, « il ne faut pas avoir comme objectif d’être réélu à tout prix. »
Une dotation consommée à…7%
Du côté de la préfecture, on se réjouit de l’élaboration d’un Plan pluriannuel d’investissement des constructions scolaires sur 3 ans, signé par l’ensemble des communes, et réactualisé, « nous allons bientôt présenter à l’AMM celui qui nous mène en 2020 ». Mais pour se prémunir d’une gestion magnégné (« défectueuse », en shimaoré) des dotations de l’Etat, le président de l’AMM et le sous-préfet ont posé des garde-fous. « Prenons l’exemple de la Dotation d’Equipement des Territoires ruraux, elle n’a été consommée par les communes qu’à hauteur de 17% en 2016, et le dernier pointage faisait état de 7% en 2017 ! Il y a un problème de gestion », s’exclame Saïd Omar Oili.
Pour accroitre l’efficacité de consommation, une condition sera jointe aux critères d’obtention des dotations, comme nous le rapporte l’élu de Petite Terre : « Nous rajoutons le taux de consommation antérieur. Ainsi, ceux qui auront peu consommé ne lèseront pas les autres, et n’auront qu’à recruter du personnel compétent. J’ai été indexé quand j’ai été le premier à recruter une DGS mzungu, mais ma commune est à l’équilibre. On demande toujours plus d’argent à l’Etat, mais on a du mal à consommer ces crédits. »
En matière de compétences et des résultats qu’on peut en attendre, un 2ème exemple est à mettre à son actif, celui du financement intégral de la rédaction du mémorandum du duo Nikonoff-Mzé conseil qui a porté ses fruits en terme d’avancées fiscales, « qu’il a fallu payer, alors même que toutes les communes, ne versent pas leurs cotisations d’un euro par habitant. »
En comptant sur la participation des communes, « je verse 18.000 euros pour Dzaoudzi », doublées de celles des Interco, ce sont de compétences triées sur le volet dont elles pourraient se doter au moment où il est question de produire un Plan pluriannuel d’investissements globaux sur l’ensemble des communes de l’île.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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