Les attentats perpétrés depuis plusieurs années sur le sol français auront agi comme un électrochoc pour l’Etat qui se doit de réagir contre le fondamentalisme musulman, sans stigmatiser les pratiquants : il s’agit de placer la relation avec le culte musulman dans une relation apaisée, comme c’est le cas pour les autres religions.
Nous avions évoqué les 3 points essentiels de la réorganisation du culte musulman, qu’avait souligné dans une interview au Parisien Jean-Pierre Chevènement, président de la Fondation pour l’islam de France : créer de nouvelles instances représentatives des musulmans, élaborer un cadre pour le financement des lieux de culte, et organiser la formation des imams. “Ma méthode, c’est d’avancer touche par touche”, confie le Président Macron interviewé dans le Journal du Dimanche (JDD), après avoir dénoncé la « radicalisation de la laïcité ».
Sur le 1er point, il s’agit de réformer le Conseil Français du Culte Musulman, mis en place en 2003 sous le président Sarkozy, en peine de crédibilité, « les deux tiers des musulmans ne connaissent pas son existence », soulignait un sondage Ifop commandé par l’Institut Montaigne. Il influence d’ailleurs le 2ème point, puisque ses représentants contestent que des pays étrangers, comme la Turquie, l’Arabie Saoudite, les pays du Maghreb ou le Qatar, financent la construction de mosquée. « Il s’agit de contribution de fidèle », avancent-ils.
Un « Grand Imam de France »
Or, c’est entre autre pour s’émanciper de cette tutelle qu’il juge néfaste, qu’Emmanuel Macron cherche pour leur financement, un biais compatible avec la loi 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat. Hakim El Karoui « ancien banquier d’affaires chez Rothschild, comme Macron », précise le JDD, est un des conseillers du président. Il préconise une association distincte, chargée de financer les lieux de culte, la formation et les salaires des imams.
Il interpelle : “le moment est venu de confier l’organisation à la nouvelle génération des Français de confession musulmane”, en appelant à une “contre-insurrection culturelle” des musulmans intégrés contre ceux qui dévoient leur foi. Il propose notamment l’institution d’un “grand imam de France” sur le modèle du grand rabbin, qui dispose d’une autorité morale sur le culte juif et le représente devant le pouvoir politique.
La formation des imams de France avait incité Jean-Pierre Chevènement à regarder du côté de Strasbourg où ne s’applique pas la loi de 1905, et où les financements par l’Etat sont donc possibles. En tout cas, selon le JDD, nous n’en sommes pas à établir un « concordat » avec l’islam, qui imposerait une révision de la Constitution, mais peut-être à une révision de la loi de 1905 elle-même, “elle a déjà été modifiée treize fois”, rapporte le journal qui le tient d’un proche du chef de l’Etat. Une demande qui avait été faite à plusieurs reprises à Mayotte.
Modernisation de la parole
Ce n’est pas la première fois que Mayotte joue les avant-gardistes dans ce domaine, notamment avec le DU « Valeurs de la République et de l’islam », qui a permis de commencer à former des cadis. Et en conviant pour un grand colloque sur l’islam, des musulmans réformistes comme Mohamed-Soyir Bajrafil, Chercheur associé au Laboratoire de Linguistique Formelle au CNRS, le conseil départemental a libéré et modernisé une parole sur notre territoire à majorité sunnite. Bajrafil qui invitait quelques mois plus tard les lycéens à vivre leur propre islam, sans imiter uniquement leurs parents, « vous avez la liberté de choix ».
Deux des invités du Colloque sur l’islam, Larbi Becheri, docteur en islamologie, et Ahmed Jaballah, Président du Conseil Théologique Musulman de France, sont doyens de l’Institut Européen des Sciences Humaines (IESH) de Château Chinon, premier institut privé spécialisé dans l’enseignement de la théologie musulmane et la langue arabe, financé par la communauté islamique française.
Une antenne de l’IESH à Mayotte
Ils ont permis d’initier une grande première à Mayotte, nous apprend Younoussa Abaine, en charge de la direction de la médiation sociale au conseil départemental : un examen de 1ère et 2ème année de théologie musulmane de l’IESH, qui s’est déroulé ce week-end à Mamoudzou. Il a permis au 3 étudiants candidats d’éviter de faire le déplacement sur place, « pour les 3 sessions par an, il leur en coutait 6.000 euros chacun », se félicite-t-il.
Une avancée qui va au-delà du simple examen selon lui : « En proposant des épreuves sur place, nous allons inciter d’autres candidats à s’inscrire à un institut qui est une référence républicaine, et ainsi, à participer à l’éducation et à la lutte contre la radicalisation ». La réflexion sur l’installation d’une antenne de l’Institut des Sciences humaines à Mayotte est dans les tuyaux.
En attendant peut-être un jour le Graal : une formation théologique à Mayotte avec des ressources locales, on ne sait d’ailleurs pas où en est la création de la 1ère chaire d’islamologie.
Tiens, une idée peut-être à donner à Emmanuel Macron, qui annonce la mise en place d’une réforme de l’islam de France dès la fin du premier semestre 2018.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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