Coïncidence, c’est sur une période où Mayotte était enfin considérée par les médias nationaux comme extirpée de son contexte comorien et africain, avec de vrais reportages de fond sur son choix, répondant au vœu de la population ici, que ressurgit ce conflit de souveraineté territoriale avec le refus comorien d’accueillir les reconduites à la frontière sous le prétexte que leurs ressortissants sont aussi chez eux à Mayotte.
Nous avions déjà consacré un article à la démonstration de l’universitaire Thomas M’Saïdié sur cette demande infondée juridiquement et politiquement. A ceux qui veulent opposer les deux notions de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et d’intangibilité des frontières issues de la décolonisation, il répond que le texte d’application de la résolution du 14 décembre 1960 met en avant le droit des peuples à la libre détermination, donc à décider d’eux-mêmes, « et passe sous silence la question de l’intégrité territoriale ». Renforcé par une jurisprudence de la Cour Internationale de Justice. Quant aux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies, « elles n’ont aucune portée contraignante en droit international », affirme-t-il.
Si le conflit demeure, c’est qu’il est « psychologique », assure Thomas M’Saïdié. Il faut dire que des deux côtés, on chausse des lunettes chromatiques, qui donnent des lectures différentes, aux cinq couleurs du drapeau comorien à Moroni, tricolore à Mamoudzou.
L’Union Africaine appelée à la rescousse par les Comores
La Une du quotidien Al Watwan 27 mars 2018 va d’ailleurs dans ce droit fil, constatant malgré tout l’inefficacité de la revendication de l’île de Mayotte. Dénonçant des années d’échec « du dialogue bilatéral entre les Comores et la France pays sur la question de l’île comorienne de Mayotte. Échec, surtout, de la partie comorienne. L’île de Mayotte est, depuis 2011, “un département français” d’outremer », l’ancien ambassadeur des Comores en Afrique du sud envisage d’en appeler à l’Union Africaine dans une ambition de dialogue multilatéral, et de s’appuyer sur le « Comité ad hoc des sept », mis en place par l’Organisation de l’unité africaine (Oua).
On comprend que le sujet passionne dans les autres îles, mais il faudrait que celui des raisons des départs en nombre des résidents comoriens le soit tout autant. C’est bien l’inaction des gouvernants comoriens successifs qui maintient les trois îles dans un état de pauvreté qui incite à la fuite. Et le jour où Mayotte ne servira plus d’exutoire à leurs manquements, gageons que lesdits gouvernants pourraient avoir du soucis à se faire, et que des révoltes se feront jour.
Ce même mardi, faisait écho à la presse comorienne un article dans le quotidien le Monde, de notre confrère Patrick Roger qui était la semaine dernière encore à Mayotte. Il y fait état de « tergiversations au sommet de l’Etat », français cette fois, d’après une note confidentielle qu’il s’est procurée.
« D’un côté, le ministère des Outre-mer plaide pour un renforcement de la coopération avec les Comores, en exigeant en contrepartie des engagements des autorités comoriennes à lutter contre l’immigration clandestine », une option à laquelle est favorable Matignon.
Le Quai d’Orsay à l’opposé de la volonté des Mahorais
Le ministère des affaires étrangères, lui, imaginerait une « association entre Mayotte et les Comores dans le cadre d’un accord de coopération régionale », dans l’idée d’une activation d’une « communauté de l’archipel des Comores ». Sans précision sur la nationalité de cette communauté, française ou Comorienne. Une option qui aurait « les faveurs de l’Elysée, en particulier du conseiller outre-mer d’Emmanuel Macron », croit savoir le journaliste. Ce qui conforterait les bruits de couloirs qui dépeignait un président de la République peu enclin à la négociation dans le conflit social mahorais, et expliquerait son mutisme d’autant plus « bruyant », que le candidat en campagne avait fait des annonces à Mayotte en mars 2017.
Si sa promesse d’un statu quo « plus tenable », pouvait laisser envisager toutes les configurations, Emmanuel Macron avait annoncé sur place « une vraie sécurité assurée », avec « plus de forces de l’ordre », et « plus de lutte contre l’immigration clandestine et des retours aux Comores et ailleurs. »
D’ailleurs, si dans une Tribune également parue dans le Monde de ce mardi 27 mars, le sénateur Thani Mohamed Soilihi et l’avocate Nathalie Trousseville (Lire Tribune de Thani Mohamed Soilihi sur une politique diplomatique ferme à l’attention de l’Union des Comores ») annoncent que Mohamed Soulaimana, ambassadeur de l’Union des Comores en France, avait été convoqué le 26 mars au cabinet du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ils expliquent plus loin que « le gouvernement actuel se trouve contraint de repenser, en pleine crise, les relations bilatérales entre la France et l’Union des Comores, qui ont, on doit l’observer, rarement été envisagées par le Quai d’Orsay dans un sens tenant compte des réalités historiques et de la volonté souveraine de la population mahoraise. »
Annick Girardin nous avait glissé avant son départ de Mayotte un renouvellement « très proche de l’équipe préfectorale », et avait annoncé aux leaders syndicaux celui des directions des services déconcentrés de l’Etat. Il semblerait qu’ils soient au programme ce mercredi 28 mars du conseil des ministres, toujours selon le Monde, en même temps que la nomination du Délégué du gouvernement.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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