Faut-il continuer à travailler sur les projets d’investissements de l’île au moment où la ministre des Outre-mer va annoncer le Plan de rattrapage, ou axer la négociation sur l’abandon d’un projet de Communauté de l’archipel ? La journaliste internationale Estelle Youssouffa penche pour cette dernière proposition, et appelle à faire pression.
Les organisateurs de la mobilisation de ce jeudi 10 mai contre la feuille de route et la Communauté de l’archipel ne savaient pas trop s’il fallait ou non se réjouir sur le nombre d’habitants présents dans la rue, « c’est pas mal si on considère que les gens auraient pu choisir de faire autre chose un jour férié », estimait Maoulida Momed, « Il y a du monde, mais pas assez au regard du mot d’ordre et des enjeux », jugeait Rivo.
La volonté de reprendre, une nouvelle fois, son destin en main était en tout cas présente : un cercueil enterrait définitivement la feuille de route, entouré de banderoles, « Mayotte ini yatru » (Mayotte est à nous), et « Non à la suprématie de Grande Comore ».
Parmi les plus virulent contre un nouveau coup de Jarnac du gouvernement, la journaliste Estelle Youssouffa. A la suite de sa pétition en ligne qui a totalisé 7.600 signatures à ce jour, elle a participé à l’émission politique Kalaoidala sur Mayotte la 1ère, « ça a éveillé les consciences », souligne-t-elle. Et incité le Collectif et l’intersyndicale à l’origine de la mobilisation contre l’insécurité, à faire appel à ses conseils.
« J’ai pu lire un document diplomatique qui fait état du projet de Communauté de l’Archipel qui prévoit la libre circulation des biens et des personnes avec l’abolition des visas entre Mayotte et les Comores », nous indique-t-elle en précisant qu’un document de service interne à la préfecture de Mayotte porte la même intention.
Un Plan de saupoudrage
On a appris il y a peu de la bouche de nos parlementaires Mansour Kamardine, puis Thani Mohamed Soilihi, que le ministère des Affaires Etrangères était le moins enclin à satisfaire la volonté des Mahorais d’ancrage dans la République, ce que confirme Estelle Youssouffa : « Il faut arriver à faire changer d’avis cette partie de la diplomatie française qui croit en cette Communauté de l’archipel, un projet vieux de 20 ans. »
Quand on évoque une instrumentalisation de la part de l’Union des Comores, qui pourrait nous inciter à nous disperser au lieu de travailler sur un plan ambitieux de rattrapage, elle s’agace, « mais c’est surtout Mayotte que cela dessert ! Quant à un travail sur un Plan de développement, il sera inefficace tant que cette question de revendication territoriale ne sera pas tranchée. Parions que la ministre des Outre-mer va annoncer un saupoudrage, pas un vrai plan de développement. Et de toute façon, nous sommes contraints d’accepter un investissement de même niveau en contrepartie aux Comores. Le gouvernement ne veut pas investir à Mayotte qu’il voit comme intégrant cette Communauté à moyen terme. »
Le sous-investissement reste en tout cas patent dans tous les domaines, et même en période de crise sociale, les deux revendications essentielles, la sécurité et la lutte contre l’immigration clandestine, n’ont pas eu de réponse à la hauteur. Prenons en exemple les intercepteurs de la Police aux frontières, les deux nouvelles unités annoncées pour le mois de juillet ne vont faire que remplacer l’existant, actuellement en rade au chantier du STM.
Les organisateurs vont-ils faire de l’abandon de ce projet de Communauté de l’archipel un préalable à toute discussion lors de l’arrivée de la ministre ? Il faut pour cela qu’ils demandent le texte y afférent, pour l’instant le seul document accessible, est la feuille de route, et encore ! Elle aurait déjà évolué…
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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