Dès le début de la représentation, l’enregistrement de la “plaisanterie” du candidat Macron sur les Kwassa qui “amènent du Comorien” est diffusé, entouré de reportages radio sur les nombreux naufrages entre Anjouan et Mayotte. Le ton est posé. “En Marge, c’est un jeu de mot. Plus qu’une blague, c’est une farce. C’est l’autre face de la monnaie que cache la politique actuelle. Je pense à cette blague (sur les kwassas) qui montre un mépris absolu dans un contexte où elle n’était pas tolérable. On voit du cynisme et un manque de cohérence.”
La scène se passe en l’an 6222 à Mayotte, dans un hôpital psychiatrique, métaphore filée du Centre de rétention (CRA). Les “fous” y sont aussi des “clandestins” et l’épreuve de la traversée n’est pas étrangère aux pathologies mentales qui y sont traitées. Malades ou clandestins, des humains placés en marge de la société, des personnes déshumanisées derrière un statut administratif, un numéro, ou une pathologie.
La pièce en jouant sur les mots, dénonce aussi l’usage fait du langage dans la bouche des politiques, mais aussi des médias. “Quand survient une catastrophe humaine, il suffit de la rendre moins humaine pour qu’elle ait l’air moins catastrophique” explique un des personnages, à la fois fou et médecin cynique. En remplaçant les êtres humains par des “migrants” ou des “clandestins” afin de les déshumaniser au yeux du public occidental.
Pour illustrer cette manipulation, un malade interné joue avec un thaumatrope, ce jouet présentant sur une face un oiseau, sur l’autre, une cage vide. En le faisant tourner très vite, le cerveau imprime les deux images et voit un oiseau en cage. “On peut faire la même chose avec des mots, comme, au hasard, immigration et délinquance” ironise un personnage.
“Il y a beaucoup de jeu sur la manipulation que l’on fait des mots pour manipuler les gens, explique l’auteur Jésus Belotto. J’ai écrit la pièce l’année dernière. Au fur et à mesure des événements, on s’est rendu compte qu’elle prenait de plus en plus de sens. Avec le mouvement social, avec les dérives qui ne nous plaisaient pas du tout. Avec notamment des déclarations de personnalités et d’élus qui nous ont fait peur.”
La pièce est donc un coup de gueule, drôle mais surtout caustique, car si l’on y rit à coup sur, c’est toujours jaune.
Un coup de gueule illustré par un engagement fort. Les bénéfices des deux premières représentations étaient destinés à la Cimade. 1040€ ont été récoltés.
“C’est un parti pris, pour des gens souvent en situation difficile. Nous sommes aussi conscients que c’est une association qui est souvent pointée du doigt. Comme le sont d’autres associations d’aide aux migrants en Méditerranée, en Espagne ou en Italie. Nous assistons à une vraie montée de la xénophobie.”
La pièce sera de nouveau jouée au Black and White de Dzoumonié le 22 juin dans le cadre d’un festival de théâtre amateur, puis le 29 juin à la MJC de M’Tsapéré, précédé de la représentation des élèves de la section théâtre du lycée Bamana. Le 6 juillet, la pièce sera jouée dans le sud, à Bambo Est (lieu à confirmer).
Y.D.
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