L’économie mahoraise ressemble à une « valse à deux temps ». Ses chroniques commencent approximativement une année sur deux par « l’économie fait preuve de résilience après le climat social tendu », suivie par « après la forte crise sociale, l’économie a peiné à trouver un second souffle, l’optimisme des chefs d’entreprise est atteint ». Pour 2017, il faut cocher la première. Pas besoin de préciser ce que sera le compte rendu de l’IEDOM sur 2018…
Sur une dimension planétaire, dans un contexte de croissance mondiale en 2017, +3,8%, la France ne s’en sort pas trop mal, en développement de +2,3%. A Mayotte, les indicateurs étaient au vert grâce à une « consommation des ménages solide et un retour des investissements permettant aux chefs d’entreprise de retrouver progressivement confiance dans leurs affaires. » L’indicateur qui le traduit, l’ICA, était d’ailleurs bien au-dessus de sa moyenne habituelle en fin d’année. Avec beaucoup de mérite puisqu’on se souvient que selon la Direction du Travail, l’île n’a connu que 20 jours sans grève en 2017.
Les signes de relance sont donnés par les indicateurs économiques. L’accroissement de l’indexation des indemnités des fonctionnaires qui a atteint 40% le 1er janvier 2017, a porté une consommation, moteur principal de notre économie, surtout dans un contexte de faible inflation (0,4%) sur l’année, excepté les prix de l’énergie (+5,8%) et toujours ceux des produits alimentaires (+2,5% après +1,1% en 2016). L’intérêt d’une croissance tient dans le taux d’emploi qu’elle génère, et sur ce point, l’INSEE nous avait livré la bonne nouvelle, il fut bon, avec 38,5% en 2017, il croit de 1,8 points. Mais des créations d’emplois qui restent toujours insuffisantes pour absorber chaque année le flux de demandeurs d’emploi.
Agriculture et pêche en sous-marin
Côté investissement, l’attentisme de 2016 était concrètement derrière nous, avec davantage d’importations de biens d’équipements professionnels, +12,9% contre 1,6% en 2016.
Y a-t-il de nouveaux secteurs moteurs ? Nous aurions tous envie de répondre, « l’agriculture », et bien non, le secteur s’enfonce dans l’informel, qui représente 80% de la production, avec un « devenir plus qu’incertain » des filières vanille, et ylang ylang, dont la Direction de l’agriculture (DAAF) avait pourtant annoncé le soutien, et du foncier au prix prohibitif, souligné par l’Etablissement public Foncier.
Tout aussi souterraine, ou plutôt sous-marine, la pêche locale artisanale et vivrière cohabite dans une Zone économique exclusive défiant toute concurrence de 74.000km2, avec la pêche industrielle thonière sous armements européens. La filière aquacole mahoraise rencontre d’importantes difficultés financières, « comme l’atteste la mise en liquidation courant 2015 de son principal acteur. Ainsi, les exportations de poissons d’élevage sont nulles depuis novembre 2016 ». Les Tardifs fonds FEAMP européens qui auraient du être débloqués en 2014, ne sont effectifs que depuis 2016, et vont permettre la mise en place de pontons et l’achat de nouvelles barques de pêche, moyennant formations aux brevets requis pour les piloter. Si Mayotte loupe ce coche, elle perdra ces fonds…
A Mayotte, le BTP est essentiellement porté par le secteur privé, pour la deuxième année consécutive, la commande publique tardant encore. On compte sur le Plan Mayotte aux 53 mesures pour inverser la tendance.
53% de fonctionnaires
Nous sommes dans une économie qui vit de transferts, se reportant sur la consommation, et ce qui fait du secteur du commerce le plus important avec 26 % de la richesse créée par les grandes entreprises, mu aussi par une activité bancaire « qui continue de croitre fortement », dont une épargne toujours en hausse, +9,8%, avec une nette préférence à Mayotte pour une épargne liquide et rapidement disponible puisque 18,2% de dépôts à vue. C’est l’administration qui emploie le plus, 53% des 29.700 salariés de l’île y travaillent.
Seul secteur en berne, celui des services marchands, quelque soit les produits, un « paradoxe », pour l’IEDOM, qui note un renforcement des trésoreries, une baisse des charges, et, c’est assez rare pour le souligner, un raccourcissement des délais de paiement.
Mayotte se sort pas trop mal des précédentes crises sociales donc. C’est tout dire du potentiel de développement du territoire, qui, sans crises à répétition, nous mènerait sans doute vers des lendemains qui chantent… Pour cela, un minimum syndical : que l’Etat remette à niveau les investissements publics, et ça, c’est Robert Satge, le directeur de l’IEDOM qui le dit : « Confrontée à un essor démographique important et à une forte pression migratoire, l’île affiche un besoin conséquent d’investissement public pour une mise à niveau en matière d’infrastructures, d’éducation, de santé, d’habitat, de transport, de formation et d’emploi. » Un résumé du Plan Mayotte.
Mais cette dernière crise d’un mois et demi a abimé le territoire selon l’IEDOM, « le blocage d’une bonne partie de l’activité économique du département a engendré une crise de trésorerie sans précédent pour les entreprises. Ces éléments sont de nature à inverser radicalement la tendance ». Au delà du besoin de revendiquer un rattrapage reconnu comme urgent par le gouvernement, il s’agit de poser un bilan sur les modes de revendication, et des contreparties positives et négatives, qui en découlent.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
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