“Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle”. L’article 222-33 du code pénal laisse aux juges une certaine liberté quant à la qualification de ce qui est, ou non, du harcèlement sexuel.
L’infraction peut être caractérisée lorsque le comportement du prévenu tend à créer “une situation intimidante” pour la victime présumée.
L’affaire qui était portée ce mercredi au tribunal de Mamoudzou est de celles qui laissent la place au débat. Tout commence fin 2016, au sein du service du renseignement territorial de Mayotte (les anciens Renseignements Généraux). Des “bruits” et “rumeurs” évoquent un comportement inadapté d’un agent, fonctionnaire de police chargé d’enquêter sur les demandes de naturalisation au sein de la préfecture. Alertée, sa hiérarchie lui demande un rapport complet sur sa façon de travailler, qu’il remet. L’affaire aurait pu en rester là, mais le policier décide de porter plainte pour diffamation. L’enquête interne devient pénale et se retourne contre lui. Outre les trois plaignantes, plusieurs femmes auprès desquelles il a été amené à enquêter tiennent des propos similaires, elles évoquent des appels téléphoniques répétés, des demandes d’ami sur Facebook. “J’ai vite senti qu’il voulait autre chose” dit l’une. “J’étais mal à l’aise avec lui” exprime une autre. “Au début, il était taquin, il draguait sur le ton de l’humour, développe une troisième femme, il m’a dit que j’étais belle, c’était une drague assez appuyée”. Un autre témoin entendu affirme que l’homme posait “des questions indiscrètes”. Des propos racistes à l’encontre des Comoriens et des Africains sont aussi rapportés. Face à ce faisceau de témoignages à charge, le parquet décide de renvoyer l’homme devant le tribunal correctionnel.
De plus, un élément vient servir la notion de “situation intimidante” : dans le bureau où le policier recevait les demandeurs de naturalisation, trônait une photo de Marine Le Pen. Une atteinte à la neutralité du service publique susceptible d’exercer une pression de fait sur les personnes convoquées.
“C’est un complot mené pour avoir ma tête, je suis le seul au SDRT à faire l’accueil de manière professionnelle” exprime à la barre celui qui nie en bloc toute forme de harcèlement ou intention déplacée.
Des “preuves” contestées
“Monsieur instaure une situation qui n’est pas professionnelle” estime au contraire l’avocate de la partie civile qui dénonce “une volonté de salir” sa cliente. La défense a en effet apporté au dossier des mains courantes évoquant une utilisation de faux billets par la première plaignante, une réfugiée rwandaise. Une utilisation “à des fins privées” de mains courantes “sorties du commissariat de manière frauduleuse pour discréditer la victime” enfonce le procureur Rieu qui a tenté de faire écarter ces pièces et juge “absurde” la théorie du complot.
Il réclame 18 mois de prison, dont 6 ferme à l’encontre du prévenu, et l’interdiction d’exercer pendant cinq ans.
L’avocat de la défense, Erick Hesler, évoque quant à lui “une cabale” au sein de ce service que se partagent des policiers et des gendarmes. Selon lui, l’enquête, menée par la gendarmerie, aurait été influencée par ” le gendarme qui a pris le poste” de son client. Sur le fond, il ne voit “aucune preuve matérielle”, “personne ne dit qu’il a exercé des pressions en vue d’obtenir des faveurs sexuelles, ce ne sont que des impressions”. Sur la forme, il souligne que le texte cité dans la prévention vise des faits de viol et non de harcèlement. Une erreur de qualification qui l’amène à réclamer la relaxe du fonctionnaire.
Les trois juges, désireux de rendre “une justice qui prend son temps” ont renvoyé leur décision au 7 novembre prochain.
Y.D.
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