Après trois années de mise en place de classes Option musique, au collège de M’gombani, le concept va pouvoir évoluer pour se mettre au standard national des classes CHAM (Classe à Horaire Aménagé Musique), puisqu’en juillet 2018 l’école Musique A Mayotte (MAM) a obtenu l’agrément du ministère de la Culture.
Mais déjà, les anciens 6ème, désormais en 4ème, peuvent se prévaloir de posséder des rudiments de fabrication d’instruments traditionnels, un des dadas de Cécile Bruckert, la directrice de MAM : « J’ai toujours été préoccupée par la transmission du savoir à Mayotte, et notamment sur la technique de fabrication des instruments, qui se perd avec le départ de nos cocos et bacocos*. »
L’absence d’enseignant l’année dernière l’incite à réagir, et à répondre à l’appel à projets « C’est mon patrimoine » du ministère de la Culture : « Les élèves apprennent à concevoir les instruments, sur un lieu où ils peuvent trouver les matériaux de base. » Et cet endroit magique, c’est le site d’un futur village artisanal « Vouindze culture » à Hajungua, au pied du Mont Benara.
Des carnets de voyage pour ne pas perdre la mémoire
Une soixantaine d’élèves de MAM a découvert le site ce dimanche 7 octobre, avant de déguster un plat de coco-banane concocté par les propriétaires du lieu, Eric et Viviane Bellais, qui l’aménagent peu à peu pour en faire un vivier de tous les arts confondus. Les jeunes ont découvert les matières premières, qu’ils cueillent autour d’eux, pour fabriquer notamment des mashévés, ces bracelets-crécelle de cheville- : « En primaire, pas un enfant ne les connaît, ni même le gaboussi », s’étonne Cécile Bruckert.
Pour aller plus loin, elle a répondu à un autre appel à projets, « ‘Résonance’-Ecoles de musique, écoles de citoyenneté » de la fondation Daniel et Nina Carasso, « en réalisant des croquis du type ‘carnet de voyage’, nous montons des vidéos qui seront diffusées sur Youtube, pour garder une mémoire de la fabrication des instruments comme le dzendze, le gaboussi, le tari, fait d’une peau tendue, le m’kayamba, la flûte firimbi ou le ndzumari, l’ancêtre de la bombarde, qui accompagnait des danses qui n’existent d’ailleurs plus ». Des fiches interactives seront réalisées pour notamment fournir une base de travail aux étudiants du Centre Universitaire de Dembéni.
Pour mettre tout ça en musique, ils se sont dotés de la compétence du multi-instrumentiste Jean Wellers, venu pour 3 missions à Mayotte, comme Matona, le directeur artistique de l’Académie de Zanzibar, qui joue les chefs d’orchestre ce dimanche, pour les 6 gaboussis appliqués sur leurs instruments de leur fabrication, les deux violonistes et les choristes.
Top départ pour le Collectif des Arts confondus
Sur le vaste site, les 55 enfants sont répartis en plusieurs ateliers tournants, chants, fabrication d’instruments, danses, pour monter un spectacle qui sera joué ce mardi 9 octobre à 15h sur la scène de l’amphithéâtre naturel à Hajangua*. C’est ouvert à tous, donc n’hésitez pas à y diriger vos pas. Dans l’assistance, un public d’averti, puisqu’il y aura les festivaliers du Collectif des Arts confondus qui lancent leur séminaire de travail sur une politique culturelle dynamique à Mayotte, et la professionnalisation de ses acteurs. Ces rencontres se finiront avec le festival Milatsika.
Pour mettre le public en appétit, un petit Chakacha, danse traditionnelle pour laquelle les jeunes vont utiliser les mashévés, qui feront l’objet d’un concours de confection sur scène, chronométré ! « Les finalistes recevront un cadeau », que Cécile Bruckert garde encore secret. Les jeunes poursuivront avec des chants, certains traditionnels, d’autres moins puisqu’on pourra notamment applaudir un extrait de Carmen de Bizet « La garde montante ». Un « Nous marchons la tête haute », pas celui du RSMA, mais qui vous restera dans la tête, effet garanti !…
Lui succèderont aux violons, guitares un chant écrit par un enseignant, « Peuples du Tiers monde », puis « Alfola », un chant traditionnel de Zanzibar plein de dynamisme, puis une ballade palestinienne sur un « mode phrygien », interprété avec de nombreux instruments, et qui se finit en un mgodro local.
Alors, tous à Hajangua, pour un mardi après-midi dans un cadre enchanteur, à l’ombre des manguiers et baobabs… C’est la décompression assurée !
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Personnes âgées
** Tourner dans le village après l’usine sucrière, puis, après la MJC, tourner à droite route de l’Ancienne Mosquée. Après un kilomètre de piste environ, Vouindze culture vous attend
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