Pas facile de garder son sang froid en matière de géopolitique dans la région ces temps-ci. D’abord, des mois de tensions soldés par une déclaration conjointe Le Drian-Souef El-Amine qui pacifie les tensions en suspendant les mesures de représailles, de rejet des reconduites à la frontière pour l’un, d’arrêt de délivrances des visas pour l’autre, annonciateur d’un document cadre dont l’ébauche reprend les principaux traits de la précédente feuille de route.
Ensuite le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov qui accuse ce vendredi 9 novembre, la France de “garder le contrôle de manière illégitime” sur Mayotte, une piqûre de rappel des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le russe était pour l’occasion en compagnie de Souef Mohamed El-Amine, son homologue comorien aux Affaires étrangères.
Après la Chine qu’il était allé cherché pour sa volonté d’annexer Taïwan, c’est donc la Russie, excusez du peu, qui est démarchée par le président comorien Azali Assoumani. “Malgré de nombreuses résolutions adoptées par l’Assemblée Générale (de l’ONU) sur cette question, la France continue à détenir Mayotte d’une façon illégitime”, a affirmé Sergueï Lavrov, des propos notamment rapportés sur le site Outre-mer 1ère.
Une comparaison Mayotte-Kosovo plus que limite
“Les pays qui ont organisé la séparation du Kosovo de la Serbie, de Mayotte des Comores et qui ont tenté à plusieurs reprises de changer les régimes dans les pays où ils le jugeaient nécessaire, nous montrent des exemples flagrants d’une politique de deux poids deux mesures”, a ajouté le ministre russe, dans une allusion aux pays occidentaux, et de leur vision parfois catastrophique de la politique mondiale, le Proche orient en est une victime.
Des propos tenus dans un contexte d’annonce par les Comores de renoncer à reconnaître l’indépendance du Kosovo, par rapport à la Serbie. Indépendant depuis 2008, le Kosovo qui était une province de la Serbie, a donc voulu s’en détacher, contre l’avis de cette dernière. 116 Etats des Nations Unis sur 193 reconnaissent l’indépendance du Kosovo. Ce n’est pas le cas de la Russie et de certains pays européens, dont l’Espagne. Qui a connu sa sécession avec la Catalogne.
Mais si le Kosovo qui n’était qu’une province, a voulu se séparer de son ancien pays, que dire d’une île des Comores, qui ont chacune leur gouvernorat propre, et qui n’a partagé que 29 ans d’une histoire commune au sein de l’Union, ainsi que les rapporte l’Historien Thomas Msaïdïé.
Azali fait son marché
Et alors que l’aventure de la Crimée nous avait incité à oser le parallèle avec Mayotte, l’Union des Comores qui s’en était gargarisée, n’en avait tiré aucun bénéfice. On peut envisager le même cas de figure cette fois, et que si la Russie enregistre un appui supplémentaire sur le Kosovo, cet appui sera rapidement oublié par la suite. Jusqu’où le président Azali fera-t-il donc son marché des sécessionnistes, pour trouver des appuis à une condamnation de l’appartenance de Mayotte à la France, envers et contre la volonté de la population mahoraise ?
Un nouvel épisode qui en appellera d’autres tant que la question ne sera pas revue et corrigée par l’ONU. Dont l’Assemblée générale a condamné Israël en juin 2018 pour « sa force excessive à la frontière de Gaza », les Etats Unis avaient alors voté contre. Les commentateurs ont aussitôt rajouté que, contrairement aux résolutions du conseil de sécurité de l’ONU, celles de l’Assemblée générale ne sont pas contraignantes pour les Etats membres. Et tous les acteurs jouent là-dessus, avec un perdant, Mayotte.
Anne Perzo-Lafond
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