Le premier forum économique de Mayotte est un carrefour des idées. Des entrepreneurs de tout l’Océan indien s’y retrouvent pendant deux jours pour y échanger, partager des projets. Derrière tout cela, il s’agit en priorité de séduire ces investisseurs voisins, pour les amener au cœur du lagon. Le forum pour Soibahadine Ibrahim Ramadani, président du Département, doit être “un outil au service de l’économie de Mayotte”, territoire “fortement tiré par les investissements publics” selon la préfecture. Il n’en a pas toujours été ainsi.
Alain Kamal Martial Henry, docteur en littérature et historien de Mayotte a retracé l’histoire commerciale de l’île. Depuis le VIIIe siècle, quand tout le bassin indo-océanique ne jurait que par les navires de l’archipel des Comores, au XVe siècle avec ses échanges massifs, son trafic d’esclaves et jusqu’au XIXe, quand la France a décidé de s’installer à Dzaoudzi et de faire de Mayotte une terre de canne à sucre. Un rapide résumé d’une histoire révolue, qui montre que la position géographique de l’île en fait un leader naturel du business dans le canal du Mozambique et au delà. Révolu ? Pas forcément.
La délégation des entrepreneurs de l’Océan indien était menée par un vieux connaisseur de la région, Xavier Desplanques. Se définissant comme “sucrier de formation”, il a été directeur de sucrerie en Afrique centrale avant de partir à Madagascar où il a fait carrière dans le textile, jusqu’à l’effondrement de ce secteur d’activité. Depuis quelques années, il y travaille à un concept de production sucrière à moyenne échelle. Le concept ” c’est une activité agricole servant un petit projet semi-industriel” indique-t-il. Et Mayotte dans tout ça ? Hé bien Mayotte serait la prochaine étape de l’entrepreneur qui habite désormais à Maurice. “Mayotte a une climatologie propice à la canne à sucre” souligne-t-il.
Du sucre made-in Mayotte
Ce qu’il souhaite réaliser, c’est “un projet sucrier qui se veut un copié-collé de ce qui vient de se faire à Madagascar. Il s’agit de créer des unités de transformation semi-industrielles de la canne à sucre. L’idée est de fédérer des unités agricoles dans des régions où il y a eu de la canne à sucre, avec une centaine de familles paysannes réunies en coopérative.”
Dans les prochains mois, il va donc étudier le terrain pour définir les lieux qui se prêteront le mieux à de nouvelles plantations de canne à sucre. Il y ramènera ensuite des plants de Madagascar qu’il confiera à des familles d’agriculteurs pour en assurer l’exploitation.
Les plantations pourraient avoir lieu dès 2019.
Pendant ce temps, il installera des unités de transformation. Pas question pour autant de produire du rhum, ou de viser l’export.
“J’envisage un outil de fabrication de 400 à 800 tonnes de sucre roux par an, destinées au marché local, pour le café, mais aussi pour les préparations culinaires. Il y a un volet culturel aussi, je voudrais construire un musée du sucre à des fins touristiques pour expliquer ce qui rejoint l’histoire de Mayotte. Mayotte est un petit marché, il faut donc travailler sur de petits projets, avec des budgets à taille humaine.”
Un marché local, ça veut dire deux choses : un prix de revente adapté au coût de la main d’œuvre, et donc peu impacté par les cours internationaux et la concurrence de pays moins regardants sur les droits des salariés, et des aides publiques pour lancer tout cela. D’ici la fin de l’année, Xavier Desplanques devrait avoir déposé à dossier à l’ADIM, mais aussi auprès de la préfecture pour tenter de bénéficier de fonds européens comme le FEADER, destiné aux projets agricoles.
Si le projet voit le jour, il devrait créer une centaine d’emplois à temps plein dans les plantations qui s’étendront sur une centaine d’hectares, et une autre centaine d’emplois, saisonniers ceux-ci, pour faire fonctionner les unités semi-industrielles. Et si l’agenda prévu est respecté, on trouvera du sucre roux made-in Mayotte dès 2021.
Y.D.
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