“A droite, non l’autre droite ! Oui, tout droit, avance !”
Au village interactif organisé à la mairie de Dzaoudzi-Labattoir ce jeudi, deux volontaires font une course peu banale. Yeux bandés, une canne blanche à la main, ils suivent à l’aveugle les consignes de Tanzila Jean-Jacques, bénévole à l’ADSM, association des déficients sensoriels de Mayotte. “Le but est de se mettre à la place des non-voyants, pour montrer comment c’est de se déplacer, ce n’est pas évident en dehors du domicile”.
Mais si le handicap visuel et auditif était bien représenté, c’est surtout le handicap mental et psychique qui était ciblé ce jeudi.
Près du stand de la MDPH, plusieurs mamans prennent des renseignements. D’autres sont là pour en donner.
Hadidja Ali fait partie des 12 familles ressources retenues par l’association Apajh, association pour adultes et jeunes handicapés. Son rôle est de partager son expérience de maman avec d’autres, pour les aider dans leur quotidien, comme nous l’expliquions dans cet article. Cette maman d’un adolescent souffrant de retard mental note que depuis que son fils participe aux ateliers de l’Adpep 976 (association des pupilles de l’enseignement public) “il a appris à parler, à faire le ménage, à faire sa toilette, la vie quotidienne a changé”. Un soulagement pour cette maman qui note ces progrès en à peine 2 ans. Du coup elle consacre son temps libre aux ateliers de guidance parentale. “C’est une joie de pouvoir partager mon expérience avec d’autres parents qui n’ont pas de structure pour leur enfant”. En effet, s’il existe bien une demi-douzaine d’IME (instituts médico-éducatifs) à Mayotte, gérés par Mlézi Maoré, l’association, fusion de Tama et Toioussi, souligne que “plus de 200 personnes sont en liste d’attente”. Les 54 places qui devraient être prochainement créées ne suffiront donc pas.
La solidarité se renforce donc entre les familles concernées. Zaounaki, 30 ans, est un cas à part. Elle a la charge de son petit frère de 15 ans, lui aussi en retard de langage et intellectuel. Il a été sorti de l’école au décès de leur mère. Face aux délais d’attente pour les structures spécialisées, il a finalement intégré l’accueil de jour de l’Adpep. Fahima Mohamed est dans un cas similaire. Du haut de ses 21 ans, elle assure l’éducation de son petit frère de 13 ans, diagnostiqué autiste sur le tard à 10ans. “Petit, il était scolarisé à l’école normale, mais il ne faisait que pleurer et frapper les autres, c’est là qu’on a vu qu’il n’était pas pareil que les autres enfants”. D’abord placé sous traitement médicamenteux pour le calmer et l’aider à dormir, lui aussi a intégré l’Adpep.
“Depuis l’agressivité a disparu et il a pu stopper les médicaments. Maintenant il est bien, ce qu’on lui explique bien, il le comprend”. La sœur aidante note aussi un gain d’autonomie important “il peut prendre sa douche seule, aller aux toilettes, aider au ménage. Par contre je ne l’autorise pas à toucher aux couteaux !” sourit-elle. Mais malgré toute l’affection qu’elle lui manifeste, ce soutien à 21 ans est “lourd, j’ai un peu un handicap pour travailler, je suis seule et personne ne prend le relais”. “Il nous manque surtout des aides financières” rebondit Ali Hadidja, car on n’est pas prises en charge”. Une manière de dire que si les associations font un travail expérimental mais non moins efficace, ces familles attendent des administrations concernées un vrai sursaut, pour une prise en charge digne des personnes handicapées, et de leurs aidants familiaux.
Y.D.
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